mardi 27 mars 2007

Tzav - Admettons !

Bon, Pourim a eu lieu et après vous être saoulés comme le veut la Halakha, il va falloir recouvrer vos esprits.
Mais bon, prenez votre temps puisque quand le Messie arrivera, la fête de Pourim subsistera.

Mieux que ça: les seuls livres qui resteront saints seront les 5 livres de la Thora +...la Meguilat Esther (+ le livre de Josué selon certains).

Oubliez le Cantique des Cantiques, Ruth, les Psaumes, les Prophètes, etc...il n'en restera qu'un, c'est la Meguilat Esther.
Il faudrait des années pour comprendre pourquoi une histoire d'une dizaine de chapitres avec vin, amour, festins, intrigues politiques, suspense et retournements de situations mérite autant d'égards alors qu'on va allégrement oublier les formidables paroles des prophètes...

Merveilleux judaïsme, que voulez-vous...

Parlons plutôt de la Paracha: Tzav parle en grande partie des Korbanot, des sacrifices. Et comme pour les livres saints, il y aura quelques changements lors des temps messianiques.

Eh oui, pareil: il n'en restera qu'un. Il restera le Korban Toda.
Vous parlez tous un peu hébreu, vous savez que Toda veut dire "Merci".

Le Korban Toda, c'est un sacrifice que l'on offre, sans y être obligé, simplement pour remercier D.ieu.

On avait déjà évoqué dans une Paracha antérieure la nécessité de dire Merci.

Mais comme depuis on a progressé et qu'on a eu notre premier Azimut, on va essayer d'approfondir un peu tout ça avec une guest-star....le Rav Itzhak Hutner !

Ca ne vous dit rien ? C'est normal, le Rav Hutner est très peu connu en France. C'était pourtant un Maître Américain (vivant à New-York) du XXème siècle, décédé en 1980 qui écrivit des textes d'une grande profondeur et révélateurs d'une pensée très originale et féconde. C'était également un grand spécialiste du Maharal de Prague.

Notre guest-star donc, fait remarquer fort judicieusement que le mot "Toda" (Merci) vient de la racine "Hodaa" qui veut dire:

- Merci, Reconnaissance

mais aussi:

- Admettre (en français, on dit d'ailleurs également reconnaître: j'admets que les juifs tunisiens font une cuisine exceptionnelle = je reconnais que les juifs tunisiens font une cuisine exceptionnelle).

Le Rav Hutner ne s'étonne pas d'une telle coïncidence: afin de dire Merci à quelqu'un, il faut d'abord reconnaître que la personne que l'on remercie nous a prodigué un bienfait.
Quand on dit Merci après s'être fait passer le sel à table, en fait on dit:
"je reconnais que tu m'as passé le sel, que ça m'a procuré un bienfait et je t'en remercie".

Comme ça fait un peu long, on dit juste "Merci". (à Harlem, on dirait Merci Brother, Notre seigneur est avec toi Brother, il te guide et t'ouvre la voie Brother comme il est dit: "Je suis le Seigneur et je t'ouvre la voie Brother"...c'est aussi un peu long remarquez... ).

Mais le Rav Hutner pose la question: comment sait-on qu'une phrase parle d'admettre quelque chose ou qu'elle évoque un remerciement ?

En fin grammairien, il répond, tel Maître Capello:
Cela dépend de la préposition qu'il y a après le mot Hodaa:

- Hodaa "ché"..., veut dire admettre "que" ..

- Hodaa "al"..., veut dire Merci "pour"

Essayons d'appliquer cela à la prière par excellence, la Amida (qui comme chacun sait, remplace les sacrifices).

A la fin de la Amida, on dit (en se prosternant): Modim anahnou Lakh "CHE" Ata hou...
Et la fin de cette bénédiction est: Nodé lekha..."AL"

Modim et Nodé viennent tous les 2 de la racine Hodaa. Dans cette bénédiction, qui est d'ailleurs appelé Bénédiction de remerciement, nous avons les 2 acceptions du terme:

- Modim...CHE: nous admettons que D.ieu est notre D.ieu et que nous sommes dépendant de lui.

Ce n'est qu'après avoir reconnu cela que l'on peut dire:

- Node..AL et que l'on remercie D.ieu pour ses bienfaits.

Et c'est à partir de cette explication que l'on va mieux découvrir un commentaire de Ribbi David ben Yosef Avudraham, élève du Baal Hatourim et maître du XVème siècle.

Vous savez que l'officiant fait la répétition de la Amida à haute voix après que les fidèles l'aient faite à voix basse.
Mais à un moment donné, les versions des fidèles et de l'officiant diffèrent: c'est justement pour la bénédiction de Modim, pour laquelle les fidèles récitent un Modim spécial.

Pourquoi ? Eh bien, répond le Avudraham: pour toutes les autres prières, on peut envoyer un messager: un messager pour demander la santé, un messager pour demander de la tune, un messager pour demander l'intelligence, etc...

Il n'y a qu'une seule chose que l'on ne puisse faire que par soi-même: dire Merci.
Dire Merci et admettre que l'on nous a prodigué un bienfait est quelque chose de très intime et intérieur. Cela ne peut se faire que de manière personnelle.

Evidemment, ce qui est vrai pour D.ieu est aussi vrai pour l'homme:

1) lorsque l'on dit Merci à quelqu'un, parfois de façon un peu mécanique, c'est d'abord et avant tout admettre qu'il a été une part de notre bonheur...même si notre bonheur est d'avoir du sel dans sa pkaïla !

2) Dire Merci est un acte individuel qui ne peut pas passer par quelqu'un d'autre.
Admettre qu'une personne est pour quelque chose dans notre formidable vie est un effort non négligeable auquel il faut parfois s'astreindre.

Remercier est donc un acte plein d'humilité qui consiste à prendre conscience que l'on est pas seul sur terre. Et que nous ne sommes pas tout puissants. Où la conscience de Dieu fait aussi prendre conscience de la présence d'autrui...

mercredi 21 mars 2007

Acheter du Coca-Cola casher lePessah ?

Pessah approchant, c'est l'effervescence chez toutes les familles juives, ou plutôt dans toutes les cuisines des familles juives.
Le Hametz (le levain) est éradiqué, la vaisselle changée et les achats de Matzot (pain azyme) battent leur plein.

Mais ce ne sont pas seulement les Matzot qui font le bonheur des Naouri, Cash Casher et autres Franprix Voltaire. C'est toute une chaîne commerciale qui inonde le marché communautaire de produits casher le Pessah au point que cette fête n'est plus depuis longtemps un moment de restriction gastronomique, bien au contraire.
Le seul souci, c'est que ça coûte cher, bien que les prix aient beaucoup diminué avec le temps, la concurrence aidant.

Alors question halakhique: faut-il acheter du Coca-Cola Casher le Pessah ? faut-il acheter du sucre Casher le Pessah ?

A priori, tout le monde répondrait "oui", si tant est que vous désirez absolument profiter de Coca-Cola pendant la fête.
La Halakha n'est pas si claire.

En particulier lorsqu'on se réfère aux décisions du Rav Ovadia Yosef, principalement consignées dans le livre écrit par son fils: le Yalkout Yosef.

Dans son tome 5, dédié aux fêtes, le Yalkout Yosef écrit quelque chose de surprenant. Prenons un mets dont la cacherout pendant Pessah n'est pas mise en doute (du sucre par exemple, dont la composition ne change pas avant et pendant Pessah).
Il est permis d'acheter un paquet de sucre sans surveillance avant Pessah afin d'ouvrir le paquet pendant Pessah et de le consommer. En revanche, il sera interdit d'acheter du sucre sans Téouda (surveillance rabbinique) pendant Pessah.

En bref, tous les aliments dont la cacherout pendant Pessah ne pose pas de problème particulier (le sucre, le sel, l'huile, le coca-cola dont on sait que la formule ne change pas, etc...) peuvent s'acheter sans surveillance spécifique pour Pessah, à la condition que l'on achète ces mets avant Pessah.

Sur quoi se base cette décision ? Sur le principe connu de "Batel Bechichim".
Le Coca-Cola est évidemment cacher le Pessah, il n'y a aucune raison de considérer qu'il peut y avoir du Hametz à l'intérieur. Sauf si par accident, une parcelle de pain entre dans le processus de fabrication. Et là question: cette miche de pain invalide-t-elle la cacherout éventuelle pour Pessah ?
Réponse: non, si le pain constitue moins de 1/60ème du volume total de coca et que le pain s'est introduit avant Pessah.
En revanche, si le pain s'est introduit pendant Pessah, c'est toute la production qui est bonne pour la décharge: le concept de Batel Bechichim (annulation dans 1/60ème) ne s'applique plus.

Fort de cette explication, le Rav Ovadia Yosef permet et même incite à acheter des produits non surveillés explicitement pour Pessah avant Pessah et ce, pour éviter une dépense financière trop importante. La charge du Yalkout Yosef est en effet très virulente envers certains commerçants qui profitent de la période pascale pour augmenter les prix....et les marges.

Au-delà de son aspect technique, cette halakha nous donne une leçon très forte: la vie sociale du peuple et son portefeuille sont parfois plus importants qu'une règle rituelle.

Conclusion: faites le plein de Coca-Cola avant Pessah, vous pourrez en profiter à loisir pendant !

Nota 1: attention, cette décision halakhique ne concerne que les Séfardim. En effet, la notion de Batel Bechichim ne s'applique pas pour les Ashkénazim pour Pessah, même avant la fête. Ceux-ci seront donc obligés d'en passer par les surveillances spécifiques...

Nota 2: comme pour toute halakha, il est nécessaire de se replonger dans les sources et de consulter un avis éclairé avant toute manifestation pratique

lundi 19 mars 2007

Vayikra - D.ieu ne tranche pas la Halakha

Déjà 2/5 de la Thora écoulés !
Après les livres de Berechit et de Chémot, voici le 3ème, le livre de Vayikra.
Ce livre, (en français le Lévitique pour ceux qui veulent se la jouer), traite d'une problématique fondamentale: le pur et l'impur.
Qu'est-ce qui est pur. Qu'est-ce qui est impur.

Mais avant de se casser la tête avec des règles trop techniques, il nous faut d'abord essayer de comprendre ce que veut dire "Pur" et "Impur".
Qu'un animal soit "pur", ne veut évidemment pas dire qu'il est hygiéniquement apte à la consommation. Dire qu'on ne mange pas casher parce qu'aujourd'hui les formulaires B12-A43 et ZI-47 du ministère de l'agriculture bio protègent mieux les consommateurs qu'en -500 av JC est une absurdité sans nom.
Le pur et l'impur, en hébreu "Tahor" et "Tameh", sont des notions beaucoup plus profondes.

Pour les comprendre, direction le Talmud. Baba Metzia 86a.

Pour un passage qui a été écrit, selon mon maître, sous l'influence de drogues hallucinogènes...Je vous laisse seuls juges:
La Tzaraat est un symptôme (que l'on traduit improprement par lèpre) qui se manifeste par des tâches blanches sur le corps et qui rend impur. On raconte qu'un problème taraudait D-ieu: est-ce que quelqu'un a la Tzaraat lorsqu'on constate un poil blanc ?

En effet, il y a 3 cas:
- Si une tâche blanche apparaît et qu'ensuite un poil blanc apparaît, la personne est impure
- Si un poil blanc apparaît et que la tâche apparaît ensuite, la personne est pure
- Mais si on ne sait pas si c'est la tâche ou le poil qui sont arrivés en premier, que fait-on ?

PROBLEME CRUCIAL !!

C'est ça qui taraudait D.ieu, qui vous le voyez a d'autres choses à faire que s'occuper de votre futur partiel de juin ou de vos problèmes existentiels...

Scène 1:
Une discussion s'engage entre D.ieu et la Yechiva céleste (avec pleins de grands sages à l'intérieur). D.ieu dit que c'est pur. La Yéchiva céleste, un peu insolente dit que c'est impur. D.ieu, beau joueur et ne voulant pas s'imposer décida d'en appeler à Rabba Bar Nahmani. Pourquoi Rabba bar Nahmani ? Parce qu'il était THE expert mondial et internationalement reconnu de ce genre de problèmes. Le souci, c'est que Rabba était encore vivant et qu'il fallait l'appeler en haut (si vous voyez ce que je veux dire), pour discuter avec D.ieu et la Yéchiva céleste.

Scène 2:
Rabba bar Nahmani, lui, était poursuivi par les romains et le Talmud nous donne en détail les étapes de son périple, jusqu'à un endroit un peu marécageux dans lequel il commença à étudier. A l'abri des méchants romains. Et comme il étudiait, l'Ange de la Mort avait le plus grand mal à le déloger de sa vie terrestre. Il employa donc un subterfuge (qu'est-ce qu'il est malin cet ange de la mort...): il fit souffler un peu de vent sur un palmier, les feuilles firent du bruit, Rabba prit peur, crut que c'était les romains et hop ! il arrêta d'étudier...et expira...Mais il expira non sans avoir livré sa réponse (comme dans les séries B policières où l'assassin est livré dans un dernier souffle...): haaa....c'est....Tahor ! (c'est Pur !).
D-ieu avait raison !! (on s'en serait pas douté...)
Tout est bien qui finit bien...Sauf que...téléportation quelques centaines d'années plus tard, chez notre grand maître Maïmonide et son Code de Loi unique: le Michné Torah (Hilkhot Toumat Tzaraat 2:9).

Que dit Maïmonide: en cas de doute sur l'apparition en premier de la tâche ou du poil, c'est....Tameh ! Impur !
En gros Maïmonide tranche, sans remords et sans gêne, contre Rabba Bar Nahmani l'expert mondial et contre D-ieu ! Je vous laisse relire un peu l'histoire avant de vous livrer l'enseignement de mon maître sur ce sujet...

Le Pur, le Tahor, fait référence à une situation où l'ensemble des paramètres est clair, sans défaut. Tout apparaît de la manière la plus limpide possible, sans aspérités. Quelque chose de pur fait référence à un absolu qui ne mélangerait pas 2 substances contraires et opposées. L'Impur en revanche, c'est comme son nom l'indique, le contraire du pur. Quelque chose d'impur est quelque chose qui n'est pas absolu. C'est quelque chose qui est parasité par une opposition d'éléments contraires, c'est un mélange de substances non compatibles, contraires voire opposées. Une femme est par exemple considérée comme impure lors de ses périodes de menstruations car elle mélange dans une même période la Vie (elle-même) et la mort (la perte d'un enfant potentiel). On le voit, aucun rapport avec des notions telles que la propreté, l'hygiène ou l'opposition entre "bien et mal".

Mais alors quel rapport avec notre histoire ?
Le problème du doute sur l'apparition de la tâche et du poil fait référence à une question beaucoup plus profonde: le doute est-il pur ou impur ?

En d'autres termes, la vie de tout être humain est composée de choix continus et de doutes systématiques. A chaque moment de notre vie, nous sommes confrontés à des tergiversations et des "pesage de pour et de contre". Pour Maïmonide, il n'y a aucun doute: la vie de l'être humain étant une somme de doutes et de choix, la réponse est forcément "Impur" ! L'homme n'est pas absolu ! Il mélange continuellement des sentiments opposés: l'amour, la haine, la générosité, l'égoïsme, des choix cornéliens s'imposent à lui (Jennifer ou Samantha ?, Nicolas ou Ségolène ?, Sartre ou Aron ?)

Pour D.ieu en revanche, l'absolu s'applique. D.ieu est la référence en matière de pureté puisqu'il ne connaît pas de doute. Voilà pourquoi la Halacha ne s'applique pas de la même façon à D.ieu et aux hommes.L'homme n'est pas D.ieu. Si l'homme vivait continuellement dans un monde absolu et sans aspérités, alors ce serait pur. Mais nous sommes dans le monde réel. Voilà pourquoi Maïmonide tranche pour l'impur.

Vous avez bien sûr une question ! Pourtant Rabba bar Nahmani, l'expert mondial, tranche "Pur" ! Alors qu'il n'est pas D.ieu ! Pourquoi ?
Réponse: car il était arrivé à la fin de sa vie, et qu'il était parvenu à comprendre, via sa fuite des autorités romaines, le sens de sa vie: sa vie devait être consacrée, on le voit plus haut dans la page de Guemara, à l'étude de la Thora, à son enseignement et à la résistance à l'oppresseur. Le sens de sa vie était devenu limpide. Il n'y avait plus de parasites, plus de choix cornéliens, plus d'imperfections: sa vie était devenue... Pure.
A notre niveau, on comprend mieux ce qu'est une action "pure". Si je veux être un responsable "pur", un dirigeant "pur", je dois l'être avec une seule intention: celle de faire progresser la société ou la communauté dans laquelle je vis. Si un parasite vient chatouiller cette intention (le pouvoir, la reconnaissance, l'intérêt personnel,...), alors la fonction sera devenue "impure".

Oh oui, c'est dur ! Mais c'est ça notre objectif ! Et c'est ça Vayikra !

mardi 13 mars 2007

Vayakhel - Le Erouv, pour quoi faire ?

La Paracha de cette semaine (Vayakhel) va nous permettre de traiter un sujet ô combien fondamental: le Shabbat (applaudissements discrets).


Vayakhel Moché, ca veut dire "Moché a rassemblé". Il a rassemblé le peuple pour lui dire un certain nombre de choses intéressantes, soyez-en convaincus.

Et la première chose qu'il leur dit c'est: "pendant 6 jours vous ferez votre travail et le 7ème jour sera pour vous sanctifié".

OK, donc Shabbat, c'est important ! (Applaudissements plus nourris).


On connaît les raisons: les 39 travaux interdits pendant Shabbat représentent la maîtrise de l'homme sur la matière et le monde, maîtrise qu'il doit utiliser pendant 6 jours. Mais le 7ème jour, il doit reconnaître qu'un entité supérieure, D.ieu en l'occurrence, a une maîtrise supérieure sur ce monde et qu'il doit donc, en commémoration de la création du monde, cesser tout travail de création.Super. C'est pour ça qu'on n'a pas le droit d'écrire, de cuire, d'allumer du feu, etc...


Mais honnêtement, il y a une chose interdite le Shabbat qui ne cadre pas du tout avec cette explication: l'interdiction de porter. Vous savez tous qu'il est interdit de porter quoique ce soit le Chabbat dans le domaine public et de faire passer un objet du domaine privé au domaine public et inversement.

Mais quel rapport avec la création ? Quel rapport avec le repos ?

Pour essayer de vous illustrer la bizarrerie de cette interdiction, voici une petite anecdote qui m'est arrivé avec un compagnon d'étude: nous avons étudié pendant plusieurs journées un traité de Guemara parlant de la sonnerie du Shofar un jour de Shabbat (Roch Hachana 30a et 30b).


Vous savez que c'est interdit, que dans les synas, ça permet souvent de finir plus tôt et que ça fatigue moins le rabbin. Mais on connaît moins la raison de cette interdiction...


Pas le droit de sonner du Shofar à Shabbat car c'est un instrument de musique? Non, tout faux. C'est quand même marqué dans la Thora: Vous sonnerez du Shofar le premier jour de Tichri (et on s'en fout que ce soit un Shabbat).

La raison donnée par votre rabbin à la synagogue: parce qu'on a peur qu'on en vienne à porter le Shofar pendant Shabbat pour aller le sonner.


Vous voulez la raison complète donnée par le Talmud ? Attention, c'est loufoque: Parce qu'on a peur qu'un homme ne sachant pas sonner du Shofar, trouve un Shofar dans la rue (ça arrive tous les jours n'est-ce pas...), le prenne, le porte et aille chez quelqu'un qui sait sonner pour pouvoir l'entendre !

En résumé: nos Sages ont interdit d'effectuer un commandement ordonné par la Thora elle-même, par peur d'un cas dont la probabilité qu'il survienne est la même que celle d'une réunion commençant à l'heure...au mieux 1 fois en 2000 ans !


Nous étions complètement hébétés par cette anomalie. Ma Havrouta (mon compagnon d'étude) posa alors la question à un Rav reconnu qui lui répondit: "c'était pour montrer à quel point nos Sages tiennent à l'interdiction de porter. Au point d'interdire un commandement de la Thora !"


Il nous faut donc mieux comprendre cette interdiction. Le Rav Shimshon Raphaël Hirsch explique la chose suivante: si tous les autres travaux représentent l'influence de l'homme sur la matière, la notion de porter représente l'influence de l'homme sur l'histoire.

C'est-à-dire sur les interactions entre les êtres humains. Faire passer quelque chose d'un domaine à un autre, d'une personne à une autre, c'est interagir avec mon prochain, c'est échanger des marchandises, c'est faire avancer l'histoire. De la même manière que pour la matière, il nous faut reconnaître qu'il existe une entité supérieure qui, malgré notre travail de tous les jours, garde les prérogatives sur l'histoire de l'humanité. Et cette entité, c'est D-ieu.


Dans le Kiddouch, on dit "En souvenir de la création...en souvenir de la Sortie d'Egypte".

Le souvenir de la création, c'est pour nous rappeler que nous ne sommes pas complètement maîtres de la matière et du monde matériel.Le souvenir de la Sortie d'Egypte, c'est pour nous souvenir que nous ne sommes pas non plus complètement maîtres de l'histoire humaine.


Et c'est l'interdiction de porter qui nous le rappelle.Mais, me direz-vous (j'entends déjà les questions dans la salle au fond à droite), on a pourtant le droit de porter dans le domaine privé !

D'échanger dans le domaine privé !

Et là je laisse la parole au Grand Rabbin Gilles Bernheim, qui je l'espère, nous fera comprendre un peu mieux l'importance du Erouv sur les lieux de camps: "Le jour du Shabbat, il est licite de transporter un objet à l'intérieur du domaine privé, car ce dernier a pour fonction de rassembler et d'accueillir: c'est bien l'idée de générosité que nous pouvons entrevoir ici. Porter reste une activité licite dans la mesure où la finalité est le partage. (...)Le domaine public quant à lui, est celui où notre identité est en mouvement, remodelée en permanence, notamment dans le circuit des échanges. Dans cet espace-là, il n'est plus licite de porter quelque chose le Shabbat". (in. Le Souci des Autres, au fondement de la Loi juive. ed. Calmann-Lévy 2002).


En bref, on ne peut porter que si l'on arrive à constituer un domaine privé, garant du partage dans une communauté de personnes. Quoi de plus grand par le Erouv que de garantir, par le domaine privé, le sens du partage et la générosité dans un quartier le Shabbat ?

jeudi 8 mars 2007

Ki Tissa - L'appel

Ki Tissa, la paracha du veau d'or. Question sérieuse tout de même. Mais qui n'empêche pas une petite histoire sympathique.

Vous savez que dans cette malheureuse histoire, seule une tribu n'a pas fauté: la Tribu de Lévy (ou Levi, Levi Strauss, Lewis, Loewi, Levis 501, etc...). C'est d'ailleurs cette tribu qui a répondu à l'appel de Moché: passer par le fil de l'épée tous ceux qui fautèrent en faisant le veau d'or.

C'est d'ailleurs à cette occasion, que D-ieu retira la responsabilité du service dans le temple aux Bechorot, aux premiers-nés. A partir du veau d'or, ce ne sont plus les aînés qui exerceront le service dans le Temple, mais les Levy (et les Cohen, qui sont une branche de la famille Levy).

A ce propos, le Rav Schwab raconte donc une histoire. Il était invité un jour chez le "Nassi Hador", le plus grand de la génération: le Hafetz Haïm.



Et pendant ce Shabbat, le Hafetz Haïm posa une question bizarre au Rav Schwab:

- "Es-tu Cohen ?"
- "Non"
- "Ah, dommage...et es-tu Levy ?"
- "Non plus"
- "Ah c'est vraiment bête car lorsque Machiah viendra, seuls les Cohen ou les Levy pourront servir dans le temple. Et comme je suis Cohen (le Hafetz Haïm était effectivement Cohen : Rabbi Israël Meïr Kagan, Kagan étant la transcription polonaise de Cohen), je pourrais servir. Et pas toi. Et au fait, pourquoi n'es-tu pas Cohen ?"

Alors là, le Rav Schwab tombe des nues. Qu'est-ce que c'est que cette question ? C'est évident ! Parce que mon père n'est pas Cohen !

"Et pourquoi ton père n'est pas Cohen ?"

Le Rav Schwab ne comprend vraiment pas: qu'est ce que j'y peux moi si mon père n'était pas Cohen ?
Alors le Hafetz Haïm lui expliqua: "loin de moi l'idée de te narguer en disant "t'as les boules Coco, moi je suis Cohen et pas toi. C'est con hein ?"Non, ce que je veux te montrer c'est que si tu n'es pas Cohen ou Levy, c'est qu'à un moment de l'histoire de l'humanité, il fallait répondre à un appel. Il fallait répondre à l'appel de Moïse qui demandait d'aller avec lui pour punir la faute du Veau d'Or. Mes ancêtres y ont répondu: pas les tiens.Ce que je veux te montrer, ce sont les conséquences énormes que peuvent engendrer un choix de l'homme"

Nous sommes tous chaque jour confrontés à des appels: faut-il prendre telle ou telle responsabilité ? Faut-il agir tel que l'on me le conseille...ou faut-il désobéir ?
Chacune des réponses que nous apportons aura évidemment une conséquence pour nous, mais aussi pour notre entourage, et pire encore: pour nos enfants et nos petits-enfants !
Nous devons tous répondre à des appels et des défis en matière d'éducation juive, de transmission de la tradition juive ou de refus de l'assimilation.

Il faut y répondre ! Pour notre bien, mais aussi pour nos enfants ! Voilà la vraie leçon du Hafetz Haïm.