dimanche 31 décembre 2006

Paracha Vayekhi: Le fils de Dan ou l'anti-nazi

Nota: ce qui suit est un commentaire de la Paracha, c'est à dire le morceau du pentateuque lu chaque semaine dans les synagogues du monde entier. Ce qui est important, ce n'est pas tant la lecture, que le renouvellement systématique du sens que l'on donne à cette lecture. J'essaierai dans ce blog de produire de temps à autre un petit commentaire personnel en essayant de varier les sources et les approches...

Ne cherchez pas, Vayehi, c'est Le Parrain.

Avec Jacob dans le rôle de Don Corleone. Le chef de famille arrive à la fin de sa vie et bénit tous ses fils, un par un. Ces bénédictions sont tellements riches qu'elles mériteraient des commentaires à n'en plus finir...

Toujours est-il qu'avant de mourir, Jacob, mort en Egypte, fait promettre à Joseph de l'enterrer à Hébron, dans le caveau des patriarches acheté par Avraham en son temps, à côté de ses pères. La familia c'est sacré ! Alors toute la petite famille se met en marche vers Hébron pour enterrer Jacob.

Et là, le Talmud (la tradition orale du judaïsme) dans Sota 13a, nous pond un passage complètement surréaliste.
Jugez sur pièce: Manque de pot, arrivés à Hébron, ils tombent sur Esaü, le frère de Jacob.

Dialogue:
- Halte-là ! Où allez vous comme ça ?
- On va enterrer notre père Jacob dans la caveau des patriarches, à côté de ses pères. Y a un problème ?
- Et comment ! Il y a 8 places dans ce caveau. Il y a déjà Adam, Eve, Avraham, Sarah, Isaac, Rebecca et Léa. Il ne reste plus qu'une place et elle est pour moi !
- Mais pas du tout ! Quand tu as dealé le droit d'aînesse avec Jacob, tu lui as vendu un pack avec caveau inclus. Donc on y va.
- J'ai rien vendu du tout. J'ai certes négocié ma double part d'héritage contre un pauvre plat de lentilles (je me suis d'ailleurs bien fait arnaquer), mais jamais la place dans le caveau ne figurait dans le deal.
- Bien sûr que si, c'est dans le contrat.
- Le contrat ? Vous l'avez ?
- Oui.
- Montrez-le moi.
- On peut pas, il est en Egypte.
- Ah. Bah, pas de contrat, pas de chocolat...et pas de place dans le caveau.
C'est alors que les fils de Jacob, bien embêtés, envoyèrent Federal Express chercher le contrat en Egypte.

Fedex à l'époque, c'était Naftali, un des fils de Jacob et reconnu comme le plus rapide athlète de l'histoire.
Mais un homme restait un peu à l'écart de toute la scène. Cet homme, c'était Hushim, le fils de Dan, le petit-fils de Jacob. Il restait à l'écart car, nous dit le Talmud, il était sourd.
Comme il voyait que ça traînait un peu, il demanda ce qu'il se passait. Sa famille commença à lui expliquer les tenants et les aboutissants de l'histoire. Et là, c'est plus Le Parrain, c'est Terminator. Hushim comprend ce qui se passe et s'énerve. Il prend une masse, et BAM ! éclate la tête d'Esaü et le tue. Plus de problème, Jacob peut être enterré. Efficace ce Hushim. Avouez que des fois les maîtres du Talmud pètent un peu les plombs...

Que vient nous apprendre ce récit ? D'abord, de nombreux commentaires discutent de savoir si halachiquement, Hushim avait le droit de faire ce qu'il a fait. Sans rentrer dans les détails, il apparaît que rien ne lui est reproché mais qu'en plus on lui reconnaît un certain mérite. Pourquoi ? Le Rav Haïm Shmulewitz, ancien Directeur de la Yechiva de Mir explique la chose suivante: L'homme s'adapte à tout. Changez les conditions climatiques, il s'y adapte. Changez de régime politique, il s'y adapte. Modifiez l'idéologie dominante, il s'y adaptera aussi. Bref, l'homme est malléable. Et La Boétie l'avait déjà très bien compris dans un livre qui mériterait d'être lu tous les ans: "La servitude volontaire". L'homme est tellement malléable qu'il peut en venir à accepter l'inacceptable. Hushim, c'est le seul qui n'est pas entré dans le débat d'arguments et de contre-arguments: "c'est à moi; non à nous; pourquoi ?; tu as vendu; non; si, on a le contrat; il est où ?; on l'a pas; c'est donc à moi; etc...." Hushim, lorsqu'il demande une explication, voit apparaître la justice de manière limpide: " la dépouille de mon grand-père est en train de déperir et on est en train de discuter d'un contrat de vente ? C'est complètement inacceptable !".

C'est le seul qui ne s'est pas habiuté à une situation gravissime. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que Hushim est le fils de Dan. Dan, un des fils de Jacob, est aussi la racine du mot "justice" en hébreu. La tribu de Dan, dont Hushim fait partie, est la tribu de justice par excellence. Pas de compromis.

Mais vous remarquerez que j'ai appelé le titre de cette paracha "Le fils de Dan ou l'anti-nazi". Qu'est ce qu'un nazi, un Eichmann ? Ce n'est certainement pas un salaud de manière innée. C'est quelqu'un à qui on dit: Les juifs sont trop nombreux et trop puissants. Il faut donc boycotter leurs magasins et entreprises. Puis les priver de droits pour qu'ils aient moins de pouvoir. Et pour mieux les contrôler, il faut les regrouper ensemble. Comme il faut que ça aille vite, il faut organiser ça de manière un peu plus sérieuse, de manière industrielle. Et puis tant qu'à faire, pour "solutionner" le problème, autant tous les faire disparaître ! Le nazi c'est celui qui pas une fois dans ce processus ne sait dire "STOP! Il y a là des choses inacceptables qui contredisent complètement le principe de justice". L'anti-nazi, c'est Hushim, ce sont tous les Justes des Nations, c'est celui qui ne s'adapte pas à l'intolérable. Mais attention, la Shoa n'est pas une vieille histoire ! Ce comportement nous menace, certes dans une bien moindre mesure, à tous les niveaux de notre vie quotidienne !

Combien de fois n'avons-nous pas su dire "Stop" !Combien de fois avons-nous laissé faire l'inacceptable parce qu'on était empêtré dans des discussions de modalités ou de points mineurs ? Combien de fois avons-nous connu des situations dans lesquelles des comportements inadmissibles se produisaient mais pour lesquels la réponse était: "c'est comme ça chez nous depuis tout le temps, on s'y est habitué et on va pas revenir dessus...et puis finalement c'est pas si grave..."
Si c'est grave ! Parce que ces comportements là, nous dit le Talmud, sont complètement à l'opposé à l'idée de justice.L'attitude de Hushim est là pour nous le rappeler pour chaque jour de notre vie: "C'est pas si grave n'est pas une phrase juive". Tel est le sens du Devoir de Mémoire au sens Talmudique du terme...

PS: pour ceux qui veulent voir à quoi ressemble un page de Talmud dans le texte, allez voir http://www.e-daf.com/index.asp

samedi 30 décembre 2006

Pourquoi Le Monde juif ?

Pourquoi ce blog ?

Rapidement: parce qu'aujourd'hui le mot Juif est trop souvent assimilé aux mots antisémitisme, conflit israélo-palestinien, etc, etc... Et que malheureusement, encore beaucoup de Juifs se disant Juifs le sont au sens où Sartre l'entendait: parce qu'à l'extérieur, on les considère comme Juifs.

Alors que pourtant, le Monde juif, c'est heureusement bien plus que ça !!

Ce sont:
- des millions de personnes qui vont manger le couscous chez leur mère le vendredi soir
- 2 fois plus de millions de personnes qui vont manger le gefilte-fish chez leur mère le vendredi soir
- des milliers de personnes qui continuent à étudier des textes très anciens appelés Talmud, Michna, Poskim, Richonim dans des maisons d'études appelées Yéchivot (Yéchiva au singulier) et qui y trouvent une satisfaction intellectuelle formidable
- des Juifs qui ont des destinées parfois irréelles tant leur petite histoire se confond avec la grande et dont la vie mérite d'être contée
- parce que un Monde des Livres sur deux est consacré au "fait Juif" et qu'il faut bien que quelqu'un en donne le point de vue juif (que dit la Thora sur Philip Roth ou Woody Allen ?)
- parce que les Juifs ont tellement l'air d'emmerder le Monde (pardonnez l'expression) qu'il faut bien aussi qu'on puisse en donner quelques explications endogènes: qu'est-ce qui chez les Juifs irrite tellement, indépendemment des velleités antisémites dues à des facteurs culturels extérieurs au judaïsme et aux Juifs ?

Bref, parce qu'en gros, un blog n'a de sens que si la publication journalière est possible et facile pendant des dizaines d'années, et là, franchement, j'ai de quoi faire !