mercredi 28 septembre 2011

En quoi un Juif doit-il croire ? The limits of orthodox theology de Marc Shapiro

Tout le petit billet qui va suivre part d'une réflexion sur la façon dont les juifs et les chrétiens se positionnent par rapport à leur degré de proximité avec leur religion. Pour l'évaluer, les chrétiens se posent souvent la question "crois-tu en Dieu" ? C'est ce qui semble départager ceux qui sont engagés dans une démarche spirituelle et les autres.
J'ai rarement vu les juifs poser cette même question. En général, ils préfèrent: "tu fais Shabbat ?" ou "tu manges casher" ? Une question liée à leur mode de vie et à leur soumission à une règle de pratique religieuse. C'est évidemment lié au caractère beaucoup plus contraignant et centré sur les actions pratiques du judaïsme, mais cela pose une question collatérale fort intéressante (enfin je crois): si ce que doit "faire" un juif est assez clair et normé, qu'en est-il de ce qu'il doit croire ?

L'un des ouvrages de référence pour répondre à cette question est un livre d'un universitaire américain, dont l'oeuvre et l'érudition sont véritablement impressionnantes. J'en ai déjà parlé, il s'agit du Pr Marc Shapiro, qu'on peut qualifier de spécialiste de l'histoire intellectuelle du judaïsme (et plus particulièrement de judaïsme orthodoxe).

The Limits of Orthodox Theology de Marc Shapiro
Marc Shapiro a publié en 2004 un livre qui a fait grand bruit, y compris dans les Yéchivot israéliennes et américaines, mais évidemment comme souvent, la France y a été imperméable. Si je puis me permettre une aimable suggestion au groupe qui travaille actuellement sur l'avenir de l'Arche, remplacer un énième dossier sur l'antisémitisme sur Internet par une revue de la production intellectuelle universitaire américaine sur le judaïsme ne serait pas une si mauvaise idée.

Son livre s'intitule "The limits of orthodox theology - Maimonides' thirteen principles reappraised". Son ambition n'est pas de réfuter une quelconque "théologie orthodoxe" mais de montrer que celle-ci est mouvante, qu'elle ne connaît pas de consensus clair sur la question des croyances et surtout que les 13 principes de foi de Maïmonide ne peuvent pas, du point de vue du judaïsme orthodoxe, constituer l'alpha et l'omega de ce qu'un Juif doit croire pour se voir décerner un certificat de "non-hérésie".

Nous vivons une époque où les positions des uns et des autres sur le judaïsme (ainsi que sur d'autres sujets, le judaïsme n'a pas le monopole à cet égard) ont tendance à se figer, voire à se braquer. Eh bien attention aux yeux, parce que ce bouquin, loin d'être un pamphlet, remet en question beaucoup de préjugés appris tout jeune. Je vous rassure, le Pr Marc Shapiro n'a pas l'outrecuidance d'essayer de prouver que Rabbi Haï Taïeb lo Met est vraiment mort, mais on en n'est pas très loin (suivre le lien pour les incultes du judaïsme tunisien).

Tout commença pour le Pr Shapiro lorsqu'il lut un article de la revue de la Yeshiva University dans lequel l'auteur, R. Yehuda Parnes, tenait que la définition de l'hérésie dans le judaïsme consistait en une remise en question des 13 principes de foi de Maïmonide. D'où la conclusion qu'il était formellement interdit d'étudier toute oeuvre remettant en question Maïmonide sur ce sujet, puisqu'en effet, il est largement admis qu'il est interdit d'étudier un livre hérétique.
Shapiro fut très surpris de cette affirmation, sans précédent historique d'après lui. Il commença donc à travailler à un article réfutant R.Parnes, puis, le matériau prenant de l'ampleur, décida carrément d'en faire un livre.

Dans son introduction, Shapiro réfute notamment une certaine idée moderniste selon laquelle le judaïsme  n'aurait pas de dogmes, c'est-à-dire de croyances autour desquelles s'articule une certaine forme de pensée et de vision du monde. Le tenant le plus célèbre de cette vision (parmi les acteurs traditionalistes de ce problème) est évidemment le Pr Yeshayahou Leibowitz. Pour lui, l'orthopraxie suffit, la vision du monde pouvant être très personnel. J'avoue avoir quelque attirance pour cette position, mais Shapiro montre bien qu'elle est assez unique dans le paysage idéologique et théologique du judaïsme.
Cependant, en refermant le livre de Shapiro, on est convaincu que s'il y a des dogmes dans le judaïsme, personne n'est en fait capable de se mettre d'accord une fois pour toute sur leur contenu.

Avant de passer aux preuves, une petite marque d'ironie est la bienvenue. Pour certains donc, le pilier central du dogme juif provient d'un maître....qui s'est fait traiter d'hérétique de son vivant et encore plusieurs années après sa mort du fait de son Guide des Egarés ! Comme le dit Shapiro: "Where else, in Judaism or any other religion, do we have a parallel example in which an authority's doctrinal formulations, dependent in large measure on his religious standing, are regarded as binding but the authority himself is condemned for insufficient orthodoxy ?"

Maintenant, rentrons dans le vif du sujet: ma modeste ambition ici n'est pas de faire une synthèse exhaustive du très riche ouvrage de Marc Shapiro, mais plutôt de prendre quelques exemples stimulants pour le Juif lambda.

L'incorporéité de Dieu
Sur l'existence et l'unicité de Dieu (les 2 premiers principes), tout le monde est à peu près d'accord même si quelques subtilités (notamment sur l'absence de limites divines) peuvent faire réfléchir les spécialistes de théologie médiévale.

En revanche, ça commence à se corser sur l'incorporéité de Dieu. C'est aujourd'hui pour nous esprits modernes, une évidence. Dieu n'a pas de corps et les mentions anthropomorphiques de la Bible (le doigt de Dieu, sa Face, etc...) sont d'ordre métaphorique, contrairement à la Main de Dieu de Maradona qui elle était bien réelle comme chacun sait. Maïmonide a d'ailleurs été un des plus grands pourfendeurs de la corporéité de Dieu: "ils sont pires que des idolâtres. Au moins ceux-ci pensent que les idoles sont des intermédiaires avec un Dieu sans corps, ce qui est mieux que de penser que Dieu peut avoir un corps".
Or, aux temps médiévaux, et même avant, il était admis dans certains milieux tout à fait "dignes de foi" que Dieu avait un corps et que les mentions anthropomorphiques pouvaient être prises au sens littéral. La preuve la plus connue de cet état de fait est la défense que fait le Ravad (Rabbi Avraham ben David de Posquières, célèbre critique de Maïmonide) des "corporéistes":
"Pourquoi (Maïmonide) dit-il qu'une personne pareille est un hérétique ? Il y a de nombreuses personnes plus grandes et supérieures à lui qui adhèrent à une telle croyance sur la base de ce qu'ils ont vu dans les Versets de la Thora et plus encore, dans les mots de ces Aggadot qui corrompent l'opinion juste en matière de sujets religieux"
Le Ravad ne pense pas que cette croyance soit juste (cf. sa dernière phrase), mais il refuse de parler d'hérétiques: c'est juste une erreur intellectuelle.
Mais il y a évidemment des textes de commentateurs qui prennent activement position en faveur de la thèse "corporelle". Par exemple un des Tossfot (pour faire bref, les Tossfot des commentateurs du Talmud venant après Rachi), Rabbi Moché Hasdai Taku, auteur du Ktav Tamim. Il se positionne clairement contre la position de Maïmonide et va même jusqu'à trouver blasphématoire (rien que ça....) ceux qui nient que Dieu est littéralement assis sur son trône céleste.

Je passe sur les nombreuses sources érudites fournies par Marc Shapiro, montrant que même au 17ème siècle, on trouve des auteurs remettant en cause l'espèce d'excommunication prononcée par Maïmonide sur ce sujet. Mais je ne résiste pas au plaisir de vous conter une histoire assez fascinante livrée par Rabbi Moché Hagiz (1671 - 1751).
Un homme simple, un ancien marrane portugais, vivait à Safed et apportait tous les vendredis un pain qu'il déposait à la synagogue. Ce pain était destiné à Dieu. Ce Juif était convaincu que Dieu prenait son pain toutes les semaines, alors qu'il s'agissait bien évidemment du bedeau de la synagogue qui se faisait un plaisir de le déguster pendant Chabbat. Lorsque le Rabbin local entendit parler de cette "coutume", il réprimanda durement l'homme pour sa folie et surtout pour la grave faute qu'il commettait en faisant sienne une conception de Dieu aussi anthropomorphique (on dirait aujourd'hui aussi infantile).
Lorsque le Ari Zal, Rabbi Itzhak Louria (un des plus grands Kabbalistes de la Tradition juive, fondateur de ce que l'on appelle encore aujourd'hui dans les milieux universitaires la Kabbale Lourianique) apprit cela, il informa le rabbin local que depuis la destruction du Temple, le plus grand plaisir de Dieu était de goûter toutes les semaines à  l'offrande de ce simple Juif. Puisque le Rabbin local y avait mis un terme, il fut décrété que celui-ci devait mourir. Ce qui, malheureusement, arriva.

L'histoire ne finit certes pas de la meilleure façon possible, mais elle illustre bien que certaines croyances, loin d'être dangereuses, sont parfois sources d'élan de générosité et de dévotion qui ne sont pas contraires à la Tradition, loin de là.

Bon, je vois bien que l'histoire de la corporéité de Dieu vous a un peu amusé, mais que vous vous dites, vous ô homme occidental éclairé du XXIème siècle, qu'aujourd'hui, on sait quand même à quoi s'en tenir. Dieu c'est pas corporel, point, on n'est quand même pas débile. OK.
Passons alors également sur la question de la création ex-nihilo, que je trouve pourtant absolument passionnante. En bref: Dieu préexiste-t-il à toutes choses et vint créer toute la matière que nous connaissons ? Ou existe-t-il une matière de toute éternité que Dieu aurait ensuite façonnée (ce qui est par ailleurs, la position de Platon) ?
Cette dernière position, rejetée donc par Maïmonide est quand même tenue par Ibn Ezra, R. Yossef ben Eliezer Bonfils (Tzafnat Paneah), R. Isaac Abravanel, R.David Arama ou encore R. Joseph Salomon Delmedigo. Autant d'auteurs qu'on ne pourrait pas qualifier autrement aujourd'hui que comme "orthodoxes" et qui paradoxalement seraient des hérétiques pour notre grand maître Maïmonide.

L'unicité de Moïse
Un des 13 principes de foi (peut-être un des moins connus) consiste à croire que Moïse était le plus grand prophète qui ait jamais existé (juste avant Steve Jobs ?). Maïmonide tient même que le Messie ne surpassera pas Moïse. Y a-t-il unanimité sur ce point ?
Vous vous en doutez, pas du tout. Nahmanide et Gersonide sont clairement en opposition à ce principe puisqu'ils reconnaissent un niveau spécial au Messie, en accord notamment avec un Midrach Tanhouma (70a). Mais ce qui est encore plus intéressant, c'est de découvrir  la position du fondateur du mouvement Loubavitch, Rabbi Shneour Zalman de Liady. C'est d'autant plus piquant que les Loubavitch aujourd'hui ont une relation particulière avec Maïmonide. Je me souviens encore de ces jeunes étudiants à la Yéchiva de Brunoy qui m'ouvraient le Michné Torah de Maïmonide pour me prouver noir sur blanc que le Rabbi de Loubavitch était le Messie. J'ai honteusement dû leur dire que j'étais convaincu pour pouvoir aller dormir, mais il est bien clair que pour le mouvement Loubavitch, suivant en cela les enseignements du Rabbi, l'étude de l'oeuvre de Maimonide est clairement central dans tout cursus scolaire qui se respecte.
Rabbi Shnéour Zalman de Liady
Eh bien, le fondateur du mouvement Loubavitch disais-je, a osé affirmé dans les Likoutei Amarim (Igeret Hakodesh n°19) que Rabbi Shimon Bar Yohai, le Ari Zal et d'autres Kabbalistes avaient atteint une compréhension et une appréhension de Dieu supérieure à celle de Moïse. La raison ? Moïse n'utilisait que la prophétie, alors que les pré-cités faisaient appel à la sagesse et à l'intelligence. Sympa pour Moïse les mecs. Mais surtout en contradiction flagrante avec le principe de foi édicté par Maïmonide, qui pose que Moïse a atteint un niveau de compréhension de Dieu plus important que n'importe qui.
Le premier Rabbi de Loubavitch un hérétique car il aurait une position divergente (et même opposée) à un des 13 principes de foi de Maïmonide ?

Reprenons. Jusqu'à présent, on (enfin Marc Shapiro) a déjà montré que les maîtres les plus éminents de notre tradition pouvaient être en opposition frontale avec certains principes de foi définis par Maïmonide. Sauf que jusqu'à présent, il s'agissait de principes de foi qui peuvent nous paraître un peu théorique et sans véritable impact sur notre vision théologique du judaïsme. Et quand je dis "notre", je parle globalement de celle qui se trouve, consciemment ou pas, dans la tête de Juifs occidentaux, un minimum éduqués et sachant ce qu'est Paris Plage et le bouclier fiscal.

Sauf que si on poursuit, et qu'on se plonge dans le 8ème principe, on va trouver du très très lourd. Attention, âmes sensibles, s'abstenir. (Quel suspens).
Le 8ème principe indique que la Thora que nous avons actuellement entre nos mains est la même que celle que Dieu a donné à Moïse. Et donc, que tout celui qui professe le contraire est un hérétique. A part ça, il est impossible de dire le contraire, parce que sinon vous imaginez bien que tous les businessmen proliférant autour des fameux "codes de la Thora" perdraient quand même pas mal de part de marché. Si le texte actuel de la Thora n'est pas celui que Dieu a donné à Moïse, fût-il différent d'une seule lettre, les fameuses trouvailles mathématiques de Michael Drosnin ou des séminaires de Kirouv (de rapprochement au judaïsme) seraient à jeter aux orties.
Qu'en est-il vraiment ?
Le Codex d'Alep
Bien évidemment pour répondre à cette question, Marc Shapiro ne fait pas appel à une quelconque notion issue de la critique biblique ou de la science archéologique. L'idée est de rester au coeur des sources reconnues de la tradition juive orthodoxe.

Il faut quand même rappeler que le texte actuel de la Thora est le résultat du travail des Massorètes et que le texte le plus fidèle auquel les Juifs d'aujourd'hui se réfèrent est le Codex d'Alep (voir illustration) datant du 10ème siècle. Auparavant, il est douteux que tous les Juifs se soient réunis autour d'un seul texte uniforme. Qui le dit ?
Eh bien commençons déjà par le Talmud Kidouchin 30a. Où l'on apprend que déjà à l'époque, les Amoraïm, les rédacteurs du Talmud de Babylone avaient perdu l'expertise leur permettant de savoir si des mots étaient écrits de façon pleines ou "défectives". Pour le dire plus simplement, si elles doivent s'écrire avec un Vav ou sans Vav sur certaines vocalisations.
Le résultat ? C'est qu'il existe des centaines d'incertitudes dans le texte de la Thora sur l'orthographe exacte d'un mot, ce qui rend évidemment caduc toute initiative visant à prendre le texte actuel de la Thora et en faire une matrice référentielle pour je ne sais quel calcul mathématique. Cela peut aussi expliquer le fait (et c'est d'ailleurs une interprétation possible du passage du Talmud cité plus haut) que les lettres identifiées comme étant celles se trouvant à la moitié du texte de la Thora (il y a souvent une indication dans les Pentateuques que vous trouvez dans toutes les bonnes synagogues) ne sont en fait absolument pas au milieu lorsqu'on prend la peine de faire le compte des lettres actuelles !

Vous pensez que ce passage de Guemara n'est qu'un passage obscur parmi d'autres et qu'il est impossible d'en tirer une conclusion aussi radicale ? Raté ! La preuve ? Pour le Shlah Hakadoch, le Hakham Tzvi ou encore Rav Moshe Feinstein (si vous ne connaissez pas, je vous demande de croire sur parole que dans n'importe quelle Yéchiva du monde, ces noms inspirent un respect infini), c'est à cause (ou grâce ?) à ce passage que le Rama (Rabbi Moche Isserles, grand commentateur ashkénaze du Shoulkhan Aroukh) tranche qu'en cas d'erreur sur l'aspect plein/défectif d'un mot, on n'a pas besoin de changer de Sefer Thora car nul n'est aujourd'hui capable de définir la version adéquate du texte quant à ce problème là !

Encore mieux: il est bien connu des étudiants du Talmud que certaines références à la Thora dans le Talmud diffèrent de la version "autorisée" de la Thora actuelle. Un exemple frappant ? Allez, dans les 10 commandements, rien que ça ! La première parole que vous connaissez tous par coeur dit: "Je suis l'Eternel ton qui t'a fait sortir d'Egypte". "Qui t'a fait sortir", "Hotzetikha" s'écrit dans nos Sifrei Thora actuels avec un Youd après le Tav. Eh bien, le Talmud de Jerusalem (Souka, 4b) a une version sans le Youd !
Un des plus grands juristes de notre tradition, le Rashba, Rabbi Shlomo Ben Aderet tranche que lorsque le Talmud prend appui sur certains mots de la Thora pour en tirer une Halakha pratique, il est nécessaire d'écrire le Sefer Thora selon la version acceptée par le Talmud. En pratique, ce n'est pas le cas aujourd'hui, mais cela montre bien que les plus grands maîtres du judaïsme étaient tout à fait conscients que la version textuelle aujourd'hui acceptée par l'ensemble du monde juif n'était pas celle qui avait cours plusieurs centaines d'années plus tôt.

Même aujourd'hui, tout le monde juif n'a pas exactement la même version du texte. Les Yéménites ont notamment des Sifrei Thora avec 9 différences par rapport aux Sifrei Thora Ashkénazes et Séfarades.7 font référence à des différences de lettres pleines/défectives, les deux autres étant un "Vayhiyou" à la place d'un "Vayehi" et le fameux "Daka" qui s'écrit avec un Aleph chez les Yéménites et avec un Hé chez les Autres (y compris chez les Ashkénazes malgré une légende tenace).
Il est aujourd'hui admis que la version de la Thora de Maïmonide était conforme à la version Yéménite actuelle. Ce qui veut dire que tous les Ashkénazes et Séfarades du monde juif (je vous assure, ça fait un paquet de monde) seraient en fait des hérétiques !

Bon très bien. Mais peut-on quand même affirmer que toute la Thora, quelle que soit sa version, est l'oeuvre d'une transmission de Dieu à Moïse ? Y a-t-il une partie du texte de la Thora qui n'aurait pas été l'oeuvre de Moïse ?
Il semble bien que la Tradition elle-même le pense. Je vous laisse lire cet article du blog Modern-Orthodox à propos de la position d'Ibn Ezra  qui pense que les 12 derniers versets de la Thora, mais aussi de nombreux autres versets de la Thora n'ont pas été écrits par Moïse mais ont été ajouté après cette période. Cette position n'est pas isolée et elle est défendue par des commentateurs variés. C'est notamment le cas de R. Yehouda Hehassid et de R.Avigdor Katz (le maître du Maharam de Rottenbourg) qui valident le fait qu'il existe bien des ajouts à la Thora provenant de Josué et des membres de la Grande Assemblée (Knesset Haguedola).

A ce stade, et suite aux nombreux autres exemples soulevés par Shapiro, celui-ci reconnaît qu'il est impossible de penser que Maïmonide n'avait pas connaissance de ces contre-arguments. Celui-ci avait une véritable connaissance encyclopédique du Talmud et il devait forcément savoir que son 8ème principe se heurtait à de nombreuses incohérences vis-à-vis de la Tradition elle-même. Shapiro se propose de résoudre cette contradiction en faisant appel à une sorte de variante de la lecture "à double niveau" de l'oeuvre de Maïmonide: celle pour les masses et celle pour l'élite. Shapiro prend appui sur le chapitre 3 du Guide des Egarés où Maïmonide fait la distinction entre les croyances "vraies" et les croyances "nécessaires". Il ne me semble pas nécessaire de développer plus avant cette distinction, mais elle apparaît assez convaincante même si elle pose avec une brutale lucidité la question des positions "politiques" de nos maîtres y compris à l'époque actuelle.

L'éternité de la Thora
Les lois de la Thora sont-elles éternelles ? Rien ne sera donc abrogé dans le futur, même aux temps messianiques ? On s'en doute, la réponse c'est que la Tradition juive est très loin de partager unanimement cette position.
On sait déjà que des Midrachim (le Yalkout Shimoni notamment) pointent le fait que toutes les fêtes seront abrogées à l'exception de Pourim. Le Talmud (Kidouchin 72b) indique que les Mamzerim (enfants issus d'une union interdite) seront "purifiés" lors des temps messianiques.
Plus près de nous et peut-être plus inattendu, le Rav Avraham Itzhak Kook, premier Grand-Rabbin Ashkénaze d'Israël, dans son ouvrage Olat Reiya, pense qu'il n'y aura lors des temps messianiques que des sacrifices sous forme végétale (et plus du tout de sacrifices impliquant des animaux)

Je ne vais pas poursuivre ce billet en traitant les autres principes, même s'il y aurait des pages et des pages à écrire notamment à propos du Messie (vous savez le fameux "Ani Maamin beemouna Chelema beviot Hamashiah") ou de la Résurrection des morts (Y aura-t-il une vraie résurrection ?). Pour ceux qui sont intéressés, procurez-vous ce bouquin, ce que j'ai recensé dans ce billet n'est certainement pas le 10 000ème des sources et des sujets abordés dans cet ouvrage (et je vous assure que je n'exagère pas: j'ai pensé mettre 1000ème au début, mais ça faisait vraiment trop prétentieux pour ce billet).

En revanche, sa conclusion est intéressante et vaut le coup d'être mise en lumière.
A l'origine, ce livre est parti d'un article plus concis visant à prouver que les 13 principes de foi de Maïmonide ne constituaient certainement pas le dernier mot en matière de théologie juive. Cet article, dit Marc Shapiro, a fait l'effet d'une bombe dans les milieux orthodoxes et dans les milieux Yechivistes (pas en France, je vous rassure, dormez tranquilles).
En effet, pour nombre d'entre ceux qui fréquentent ces milieux, les 13 principes de foi de Maïmonide sont perçus comme une sorte de dogme théologique sans faille et certaines sources traditionnelles qui vont à l'encontre de la prose de Maïmonide et que relève Marc Shapiro sont finalement extrêmement mal connues. Cela en dit beaucoup sur l'ignorance dont sont victimes les travaux "théologiques" de nos maîtres dans les milieux "orthodoxes".
Mais la dernière phrase de conclusion de Shapiro est inspirante: "The fact that Maimonide placed the stamp of apostasy on anyone who disagreed with his Principles did not frighten away numerous great sages from their search for truth. The lesson for moderns is clear".

En bref, un Juif digne de ce nom ne peut absolument pas se laisser impressionner par un argument d'autorité (qui a dit Daat Thora dans la salle ?), fût-il prononcé par un Géant tel que Maïmonide. A une époque où les positions théologiques et dogmatiques tendent à se rigidifier, la leçon est rafraîchissante.
Je retiens également une chose supplémentaire du travail de Shapiro: un Juif peut avancer à peu près n'importe quelle hypothèse théologique. Mais s'il veut que celle-ci soit prise au sérieux par l'ensemble de ses pairs de la tradition juive orthodoxe, il y a une condition: qu'il prenne sur lui le joug de la Halakha et des Mitzvots. C'est ce seul point qui distinguera les véritables "chercheurs de vérité au nom du ciel" des "jongleurs d'intellect".

18 commentaires:

Michel Lévy a dit…

Excellent ! !

michael a dit…

toujours aussi passionnant!

Yona Ghertman a dit…

Salut,

1) "Pour l'évaluer, les chrétiens se posent souvent la question "crois-tu en Dieu" ? C'est ce qui semble départager ceux qui sont engagés dans une démarche spirituelle et les autres.
J'ai rarement vu les juifs poser cette même question. En général, ils préfèrent: "tu fais Shabbat ?" ou "tu manges casher" ?"

A mon avis c'est parce que tu fréquentes beaucoup plus de séfaradim que d'ashkénazim ;)

2/ Il y a un mythe que j'ai déjà entendu plusieurs fois et que je retrouve ici, selon lequel personne ne connaît les avis d'une corporétité de D.ieu.
En réalité, toute personne qui a étudié Mada a remarqué la note du Ravad rapportant les Guéonim. (et pour Benjamin, il y a bien des yéchivot où on l'étudie, si si)

3/ Lorsqu'on étudie on se rend bien vite compte que même le texte de la Torah a différentes versions. Ici encore, ceux qui "tombent de haut" sont tout simplement ceux qui n'étudient pas, ou qui n'étudient pas les bonnes choses.

Petit cadeau, tu diras merci à Gabriel , le codex Alep sur internet : www.aleppocodex.org

très bon article en tout cas, Shana Tova !

Gabriel a dit…

Trop fort !!!
Vraiment un grand Bravo, ça fait très longtemps que je voulais écrire un article sur le sujet, mais je ne crois pas que je l'aurais aussi bien fait.

Et surtout, bravo de faire un peu connaitre Shapiro aux français, il est tellement intéressant.

A quand un article sur le Rav Weinberg ?

Chana Tova !

Emmanuel Bloch a dit…

Le probleme avec ce livre de Marc Shapiro, c'est qu'apres l'avoir lu, on pense que le Judaisme est une orthopraxie. Ou, en d'autres termes, que l'important est de pratiquer, car toutes les ideologies sont permises (cf. la fin de votre billet).

Est-ce vraiment aussi vrai que cela? Je crois qu'il ne faut pas perdre de vue que l'immense majorite des autorites rabbiniques que cite Shapiro avaient une hachkafa somme toute tres classique, sauf sur UN point particulier (divinite de la Torah, resurrection des morts, ou autre ...), qu'exploite Shapiro.

Je ne sais pas si c'est tres honnete de prendre la specificite du Rambam dans tel domaine, celle du Sefer HaIkkarim dans tel autre, l'option tres minoritaire du r. Hirschensohn sur un troisieme sujet, etc, et d'arriver finalement a faire passer le message que le Judaisme n'a quasiment pas de dogmes. Takhless, aucune autorite rabbinique n'a jamais ete prete a admettre la legitimite du cocktail final...

Bravo pour le superbe travail, bien sur. Et j'espere que la future formule de l'Arche prendra en compte votre remarque!

Frison a dit…

Merci à tous pour vous encouragements !

@Yona:
1) je ne sais pas si tu étais sérieux sur le partage Ashkénazim/Séfardim, mais outre que je rencontre tous les jours une ashkénaze très proche de moi, il est possible que la définition de Manitou sur la distinction Séfarade/Ashkénaze prenne alors tout son sens. Selon lui, Séfarade = Juifs ayant vécu en environnement islamique. Ashkénaze = Juifs ayant vécu en environnement chrétien. Ce dernier point les a peut-être rendus plus sensible à la question de la croyance en Dieu.

2) Je ne dis pas (et Marc Shapiro non plus) que personne ne connaît la note du Raavad. Au contraire, je dis (et Marc Shapiro aussi) qu'il s'agit peut-être de la note la plus connue sur ce sujet précis, y compris d'un étudiant lambda. Et comme cette note ne fait que disculper d'hérésie celui qui y croit, mais maintient le fait qu'on ne peut pas parler de corporéité divine, c'est peut-être moins "suprenant" que les autres sources que Shapiro rapporte et qui sont pour le coup en faveur de la thèse de la corporéité divine. Et qui, celles-ci sont bien moins connues.

3)Of course, of course !

@Emmanuel
Je ne pense pas que ce soit l'objectif de Shapiro de dire que le judaïsme n'est qu'une orthopraxie. Comme je le dis peut-être un peu rapidement au début de ce billet, ça c'est l'avis de Leibowitz, dont Shapiro dit clairement qu'il s'agit d'une position très extrême et qui n'est pas du tout partagé par l'ensemble du monde rabbinique.
Son but était plutôt de montrer qu'on ne pouvait pas appeler "Kofer" (Hérétique) quelqu'un qui remet en cause certains des 13 principes du Rambam.
Il est de ce point de vue là plutôt convaincant, d'autant que le Rambam lui-même écrit à plusieurs reprises qu'il ne saurait être question de "trancher la Halakha" en matière de théologie/hashkafa comme on le fait pour des problèmes pratiques.

La fin de mon billet était plutôt destinée à indiquer dans quelle mesure le judaïsme est disposée à accepter des visions un peu différentes en matière de Hashkafa. De mon point de vue, le juge de paix est effectivement l'acceptation du joug divin en matière de Halakha.

Jacques Bing a dit…

Très bon article.
Quelques précisions cependant:
Yeshayahu Leibowitz ne dit pas de façon simple que le judaïsme est une simple orthopraxie. Il a consacré de gros efforts à construire une plateforme théologique pour le judaïsme. Son constat empirique est que dans l’histoire du judaïsme il n’y a pas un seul acte de foi ou dogme qui n’ait pas été réfuté par une autorité rabbinique reconnue. Sauf Tora minne hachamaim (la Tora est la parole de D.)
Un autre enseignement de Yeshayahu Leibowitz est qu’il est clair que Maïmonide avait des considérations polémiques envers les autres religions dans la rédaction des 13 actes de foi.
לשנה טובה תיכתבו ותיחתמו

Jacques Bing

davsky a dit…

Ok mais il me semble que l'on peut regarder ce sujet sous un angle plus "halakhique" (paradoxalement peut être) et moins "historique". Si au fil des siècles certaines opinions ont pris le dessus c'est bien parce que (excusez cet abus de langage) "halakha kebatraei". La pensée juive comme la halakha est un corpus vivant capable, dans une certaine mesure, de ne conserver comme centrales que certaines opinions, de s'auto-réguler.

minoria a dit…

Voici un article tres bon d'avraidire.com sur "La Fausse Conversion a l'Islam de Henryk Broder,l'Intellectuel Juif le plus Celebre d'Allemagne"

http://www.avraidire.com/2011/10/la-fausse-conversion-a-lislam-de-henryk-broderlintellectuel-juif-le-plus-celebre-dallemagne/

Franck Benhamou a dit…

Bonjour, je ne comprend pas la nécessité de passer par des allusions dans le Ibn Ezra et autres (il est vrai qu'à l'heure des tabloïdes, un diyouk semble plus 'malin' qu'un vrai texte!) , alors que des livres entiers ont été écrits explicitement contre Rambam sur ce sujet, le Or Hachem, et le Ralbag (je ne le connait que dans l'exposition qu'en fait Touati dans son livre), certes ces livres n'ont pas un très bon acceuil chez certains, mais tous le séfer haikarim (qui fait parti des bibliothèques les plus traditionnelles) est explicitement dirigé contre le Rambam. Tout ceci est discuté sur des centaine de pages! pourquoi se réveiller maintenant. il et vrai que l'apparition de la "dogmatisation du judaïsme" est le fait du rambam. il me parait clair que ceci fait écho à la dogmatisation de la religion musulmane pour le Rambam et à l'opposition face à la chrétienté pour les autres. Ce qui m'intéresse c'est pourquoi face à cela on n'a pas dogmatiser plus tôt, car les tanaïm aussi se trouvaient face à une opposition romaine, ils ont préféré proférer des lois pour se battre contre les gentils. On a là deux voies d'approche du problème. Choisissez celle qui a eu le plus de pérénité! un second point c'est que ce livre est adressé au 'monde juif', à un certain monde juif qui tient le haut du pavé dans la plupart des esprits. la question qui me taraude: il est vrai qu'on assiste à une nouvelle ère dogmatique dans le judaïsme, comment y faire face? (S'il faut y faire face?)Pourquoi en est-on à nouveau là comme si on était né hier?
Franck Benhamou

bh a dit…

1) l'anglais n'est pas un langue très utilisée par les français,ni pour la parler pour lire des livres, et on ne voit pas pourquoi ce serait différent pour les jeunes qui fréquentent les Yechiva.
2) Comme le dit Shapiro, je confirme que dans Tehilat Hachem, le sidour des Loubavitch il n'y pas d'Ygdal (à la fin des offices de veilles de chabbat et fêtes). Ygdal est un poème reprenant les 13 principes.

Emmanuel a dit…

Une (petite) remarque : en plus de l'acceptation du joug divin en matière de Halakha, une deuxième condition indispensable à tout 'hidoush dans le domaine de l'étude (et à plus forte raison dans le domaine théologique) est d'avoir un maître, qui lui-même a un maître, etc.

Anonyme a dit…

1) Il n'y a pas d'ygdal dans le siddour loubavitch, parce que ce n'est pas la coutûme de le réciter..
Mais lorsque le rabbi de loubavitch reçut les juifs du yémen, il demanda que l'on entonne l'ygdal en leur honneur.
Et il est absolument clair que les 13 principes sont "acceptés" par les maîtres de loubavitch. Par ailleurs, ils ont une vision différente de l'enseignement du rambam parce qu'ils disposent de sources et de traditions à ce sujet qui en font un maître également versé dans la kabalah, et l'on étudie d'ailleurs le rambam avec son éventuelle signification mystique dans le michné torah. La littérature des maîtres de loubavitch est suffisament vaste et structurée pour qu'on y trouve ce qu'il faut comme éclaircissements au sujet de rambam.

2) Il faut faire attention à certaines choses que rappporte monsieur shapiro. Par exemple, il est évident que toute personne qui connait vraiment l'enseignement du baal hatanya ne va pas aller opposer ce qu'il écrit à ce que dit le rambam au sujet de moîse. La différence est que l'un parle de prophétie, l'autre de sagesse. J'ajoute que "lijoutei amarim" et "iguerot kodesh" sont deux parties différentes du tanya, et non pas une sous-partie de l'autre.

3) il parait également clair que le rambam ne cherche pas à nier qu'on trouve des différences entre les diverses sources que nous avons du texte écrit, mais que son article de foi est plutôt là pour dire que TOUTES ces versions sont justes, ce qu'on peut admettre comme les particularités de chacune des 1é tribus : une seule torah doit nécéssairement s'exprimer de manière unifiée mais en rapport au fait qu'un seul peuple d'israël est composé de 1é tribus. Vous connaissez certainement le passage qui parle de la torah de rabbi méïr dans laquelle il est écrit or avec un alef et non 'or avec un 'ayine au sujet des vêtements que D... fit pour adam et chava. On peut bien sûr choisir de comprendre ce passage différement..

Anonyme a dit…

4) Il y a eu toutes sortes de penseurs et de rabbins juifs et toutes sortes d'opinions sur des sujets divers, mais est-ce une preuve de leur justesse ? On peut toujours trouver des avis isolés et en tirer si cela est justifié une des facettes de la torah, mais il faut bien voir que ce qui sera retenu et transmis de manière centrale ne retiendra pas ces avis.
De la même manière que la kabalah dans l'enseignement du arizal est devenue la kabalah à peu de choses près, de la même manière qu'après la mort de rabbi élicha ben abouya on a interprété "rallonger les jours de ta vie" au sujet du monde futur et que de manière générale on progresse la torah est vivante parce qu'elle est dans la bouche des maîtres et moins lorsqu'il s'agit d'opinions devenues isolées.

5) chacun est libre de se livrer à des exercices d'interprétation, il n'en reste pas moins que l'approche traditionnelle ne doit pas être mise dans le même panier que celui des développement intellectuels, et souvent purement intellectuels.
D'autre part, certains écrits l'ont été dans des conditions particulières, pour les besoins du temps, suivant ce que pensaient devoir écrire certains rabbins d'poques passées. Il faut aussi prendre en compte qu'on ne peut pas se permettre de traduire certains concepts dans la pensée d'aujourd'hui, tout simplement parce qu'ils n'ont plus courts, et nous nous permettons bien trop souvent de les assimiler à nos manières de penser et d'écrire.

Enfin, il est indispensable de comprendre que la torah a été donnée mais que nous continuons à en révéler les enseignements, suivant les possibilités données à chaque époque. Citer saadia gaon au sujet de la réincarnation après tous les enseignements du arizal à ce sujet, ne remet pas en cause la vérité de ces enseignements. S'appuyer sur un écrit de saadia gaone à ce sujet est à contre-sens de l'étude de la torah.

6) les articles du rambam ont peut-être été contestés par endroits, mais pourquoi ne pas rapporter les avis qui répondent à ces contestations ? Il est plus intéressant de montrer que la compréhension des articles du rambam peut être riche de nuances variées.
Le professeur shapiro a-t-il cherché à attaquer les fondements de son argumentation afin d'en tester la solidité ? Il me souvient que le 'hazon ich ne se permettait d'écrire ses 'hidouchim que lorsque 1) il était certain d'avoir maîtrisé les tenants et les aboutissants de toute la souguia 2) après avoir formulé son opinion, il l'attaquait de tout côté comme si elle était étrangère, et seulement lorsqu'elle résistait à toute argumentation, il se permettait alors de l'exprimer.

En espérant ne pas avoir agacé ;)

Anonyme a dit…

au fait, je serais curieux de savoir ce que le professeur shapiro pense du livre du rav aryeh kaplan sur les 1" principes, et quelle est votre opinion ?

Anonyme a dit…

La lecture du billet est agréable mais il faut reconnaître que formuler "un plan d'ensemble" du monde juif depuis 2000 ans est une gageure. Quand bien même si c'est pour affirmer qu'une liberté, assez grande, demeure.

Car du coup, la position des uns et des autres apparaît dans une seule perspective particulière (celle de montrer cette liberté justement) et non dans leur propre vie de Juif.

Je releve seulement un contre-sens évident en ce qui concerne Y. Leibowitz (d'autres inexactitudes ont été relevées en ce qui concerne d'autres auteurs): Y. Leibowitz n'a jamais affirmé qu'il n'y avait pas de dogme dans le judaïsme. En fait, il a même affirmé à plusieurs reprises qu'il en existait un seul.

Frison a dit…

Bonjour à tous,

Merci pour vos commentaires.
Concernant Leibowitz, je ne pense pas qu'il y ait de contre-sens. Vous ne citez pas le dogme de Leibowitz. Or,celui-là est très différent de ceux abordés dans ce billet. Il concerne la Thora orale et son rôle vis-à-vis de la Thora écrite.
Pour le reste, et c'est d'ailleurs aussi l'interprétation de Marc Shapiro, Leibowitz pense que le judaisme orthodoxe n'impose aucune croyance spécifique.

@Anonyme que je pense Habad
Vos remarques sont justes sur la différence entre le Prophète et le Hakham, ainsi que sur la position du Rambam sur les différentes sources du texte écrit. Shapiro arrive d'ailleurs à la même conclusion que vous.
Là où je ne vous trouve plus très cohérent c'est quand vous dites à la fois:
- Qu'il ne faut pas spécialement se fier à des avis isolés et qu'il faut prendre en compte ce qui sera transmis de manière centrale dans la Tradition
- Que le Rambam est Kabbaliste ! ce qui va à l'encontre, non seulement du Pshat du Rambam, mais également de toutes les études qui ont été menées sur lui

Sur ce point, l'approche des maîtres de Loubavitch est très iconoclaste. Faut-il la rejeter parce qu'elle n'est pas le "mainstream" de la tradition ? Vous conviendrez que la réponse ne peut pas être positive...

Anonyme a dit…

Bonjour,


Désolé de répondre si tard..
Si j'ai bien compris, vous comprenez dans ce que j'ai écrit une contradiction.
Toutefois je ne suis pas d'accord, puisqu'il ne s'agit pas ici d'un "avis" - quant au sujet du Rambam mekoubal - mais d'une tradition c'est à dire d'un savoir transmis. Le fait qu'un tel savoir ne soit pas répandu n'en fait pas une simple approche ou une opinion isolée mais bien une réalité.

J'ajoute que je ne suis pas loubavitch mais je constate souvent que ceux-ci sont en général très ignorés et qu'on n'en connaisse que ce qu'il est de bon ton de répéter, à savoir qu'ils ont une grande ahavat israël et agissent concrètement (ce qui est assez ambigü dans la bouche de certains puisqu'ils laissent entendre par là qu'on ne peut pas être sur tous les terrains à la fois..).

C'est d'autant plus dommage que mis à part la 'hassidout loubavitch qui est déjà quelque chose d'incontournable à mon humble avis pour qui est exigeant envers lui-même, le rabbi de loubavitch est une personnalité de la torah qu'on ne peut pas simplement évoquer parmi d'autres mais bien un géant parmi les géants. Or vous n'êtes pas sans savoir que son oeuvre est considérable, abordant tous les aspects et points de la torah, et que non seulement son enseignement est original, mais ses connaissances ne sont pas "une approche iconoclaste".
Vous savez également que maran harav soloveicik ne considérait pas non plus l'approche du rabbi de loubavitch comme une opinion, parmi d'autres ou non.