Petit clin d'oeil à Manitou dans ce titre, qui utilisait cette formule pour exprimer que la volonté d'atteindre parfois un niveau de cacherout excessif dans certains milieux, pouvait nous détourner de certains impératifs bien plus cruciaux.
A ce propos, j'ai entendu une petite blague récemment exprimant parfaitement ce point de vue:
"Un Hared (craignant Dieu) célèbre décéda. Il fut, comme il se doit, accueilli avec respect par l'Assemblée d'en-haut, qui lui expliqua les modalités de son séjour dans son nouveau monde:
- Ici, bien que cela soit très différent d'en-bas, nous conservons malgré tout certaines habitudes. Par exemple, nous étudions la Thora quotidiennement. Evidemment, l'avantage c'est que nous disposons des plus grands maîtres nous permettant d'éclairer les passages les plus ardus et obscurs de notre Thora.
- Mais c'est formidable ! Je me suis d'ailleurs toujours posé 3 questions que je pensais insolubles sur l'oeuvre du Rambam (Maïmonide). Est-il disponible ?
- Mais bien entendu, nous allons le chercher.
Après quelques minutes, un homme vêtu d'un turban ainsi que d'un vêtement oriental du XIIème siècle apparut et, avec un accent certain demanda:
- Qu'est-ce que je peux bien faire pour vous ?
Le Hared dévisagea l'homme avec stupéfaction et s'adressa à son hôte:
- Vous plaisantez j'espère ? Vous ne pensez tout de même pas qu'un Séfarade soit capable de comprendre quoique ce soit aux subtilités du Rambam ?!
Le Serviteur, un peu décontenancé, tenta de passer à autre chose:
- Donc, entre autre choses, nous avons également conservé l'habitude de nous nourrir. Nous mangeons donc et nous buvons chaque jour, avec un faste spécial pour Chabbat et les fêtes.
Le Hared montra de plus en plus de scepticisme. Il demanda donc, comme le veut la coutume ici-bas, à parler au responsable. Et pas n'importe lequel, s'il vous plaît: le patron !
C'est donc avec toute la solennité et le tremblement requis qu'apparut le Maître du Monde, le Saint-Béni Soit-il.
- Heu, bonjour, vous êtes donc.....
- Le Maître du monde. Bienvenue.
- Je voulais juste savoir: on vient de me dire qu'ici on continuait à manger et à boire. Très bien mais, qui assure la cacherout ?
- C'est moi, en personne.
- Ah.... Alors, je prendrai un verre d'eau s'il vous plaît"
Je ne sais pas si tout le monde a compris, ce qui est sûr c'est que quasiment personne ne l'aurait comprise il y a 50 ans. Le verre d'eau représente en effet le risque minimum que prend quelqu'un en matière de cacherout lorsqu'il mange en dehors de chez lui. Demander un verre d'eau revient à afficher de façon explicite un doute sur le niveau de cacherout de son hôte.
On a tous entendu des histoires fameuses d'enfants ne mangeant plus chez leurs parents. Cette situation, finalement assez nouvelle dans l'histoire du peuple juif est due à deux choses:
- Le fait que des enfants soient désormais plus pratiquants que leurs parents (depuis la Haskala, c'était plutôt l'inverse qui s'est produit jusqu'aux années 60, cf. le dernier film des frères Coen "A Serious Man" )
- Le fait que la pratique orthodoxe devienne, en tous cas chez certains Baal-Techouva (les personnes qui renouent avec le joug des Mitzvot), assez peu nuancée alors que la Halakha sait faire preuve de beaucoup de subtilité.
Bien entendu, il n'est pas question d'aller manger de la viande non-cacher, quel que soit le respect dû aux parents. Mais entre la viande interdite et le verre d'eau, n'y a-t-il pas un juste milieu qui permette de respecter la cacherout autant que le respect que l'on doit à son prochain et d'autant plus si ce sont ses parents ?
Je n'ai pas de réponse définitive à cette question compliquée qui implique d'être confiant dans sa pratique des Mitzvot, au clair avec la pression sociale qui parfois nous oblige à être plus royaliste que le roi et sérieux quant aux fondements halakhiques de certaines attitudes.
Mais j'ai vu un jour un rabbin orthodoxe manger un dimanche lors d'un brunch chez des personnes qui avaient tout acheté Cacher mais dont les ustensiles pouvaient parfois être utilisés avec des aliments non-cacher (du fromage non surveillé par exemple).
Je lui ai posé la question et sa démarche est la suivante: "nous sommes dimanche. Je sais que c'est un couple qui ne cuisine pas Chabbat. Je suis donc certain que ses ustensiles n'ont pas été utilisés pendant plus de 24h. A partir de là s'applique la règle de "Noten Taam Lifgam" qui induit que la nourriture cuisinée avec ces ustensiles est permise "a posteriori". Dans certains cas où des notions de respect des efforts de la personne sont en jeu, où il serait pire pour leur judaïsme que je ne mange pas, il me semble qu'on peut y manger."
--> Plus d'infos sur "Noten Taam Lifgam" dans cet ancien post
Tout le monde ne sera évidemment pas en accord avec ce comportement, mais il illustre malgré tout qu'il y a des subtilités (mais est-ce vraiment une surprise ?) dans la Halakha qui nous imposent de l'étudier réellement afin de pouvoir envisager auprès d'autorités reconnues les situations complexes.
Peut-être que Dieu n'est pas un garant suffisant de la cacherout du ciel et qu'il n'est pas suffisament susceptible pour se vexer. Encore faut-il le démontrer du point de vue la Halakha.
5 commentaires:
Très intéressante démonstration sur ce que je vois parfois comme de la minutie plus proche de la superstition que d'un véritable désir de marcher dans la halakha. Et j'ai beaucoup apprécié l'argumentation du rabbin à propos du repas dominical.
article interessant. Ceci dit , je n'aurais pas agit comme ce rabbin. en effet la différence entre un lekhathila et un bediavad est parfois très fine. Ce rabbin en allant manger chez ces gens ne s'est-il pas mis dans cette situation lekhathila? de plus , tant qu'il y est, il pourrait venir manger chez eux tous les jours puisque je suppose qu'ils ne lavent pas leurs couverts à l'eau mais au liquide vaisselle donc tout est pagoum n'importe quel jour de la semaine. Il faut etre tres prudent dans ces notions.
Bonsoir,
Je voudrais tout d'abord saluer le webmaster pour la qualité de certains de ces articles. J'ai particulièrement apprécié l'argumentaire opposé au Sophiste Y. Dalsace.
Cependant cet article n'a pas la même rigueur que d'autres plus approfondis.
3 points:
1/ Les arguments du type "J'ai vu un rabbin qui...." ne prouvent pas grand chose. J'ai entendu quelqu'un ayant vu un rabbin serrer la main aux femmes sous prétexte de "kevod haberiot"... On peut aller loin comme ça!
2/ Plus sérieusemenent, même s'il n'y a pas de problème de lifné iver dans votre exemple puisque la famille en question conservera le même mode d'alimentation que le rabbin mange ou non chez elle, il y a un problème de "léhafrish min ha issour", notion qui, bien que vague, exige au moins que notre comportement n'encourage pas chez la avera chez l'autre. Or, en l'espèce, la famille considérera son mode de vie et d'alimentation comme légitime car "le rabbin est venu manger à la maison"...
3/ Recherche du Shalom n'est pas synonime de Recherche de la Koula. Il y a des moyens de ne pas se renfermer sur soi-même sans pour autant se mettre dans des situations halakhiques problématiques.
Bien à vous, BéhaTslaha pour votre travail,
Ben Ouziel
moi un grand rav m'a dit que le liquide vaisselle rend pas pagoum et que c'est que les 24 h qui rendent pagoum donc ce fameux rabbin ne pouvait manger dans les assiettes que le dimanche contrairement a ce que dit j.
Le respect de son prochain n'est-il pas plus important ?
C'est en tout cas ce qu'on enseigne à l'école juive...
Invité par des non-Juifs à dîner, j'ai prévenu que j'arriverais plus tard. Et j'avais dîné, en prévision.
Il se trouve que m'attendait "mon" poulet à moi, acheté à la boucherie kasher du coin de la rue et préparé, certes, avec des ustensiles non kasher (en l'occurrence, le plat était un jetable). Je n'ai pas vérifié, j'ai cru sur parole, évidemment.
Chacun son degré de cashrout, mais pour ne pas offenser mon hôte comme pour ne pas faire de hiloul hashem (et bien que le ventre plein), j'ai mangé.
On me blâmerait, sans doute.
Moi, je crois que c'est ça, le judaïsme : respect et message, bien avant la petite bête.
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