vendredi 7 septembre 2007

Saul Lieberman and the Orthodox de Marc B. Shapiro


On ne se rend pas bien compte, depuis nos salons parisiens, à quel point les études juives (et par là j'entends les travaux de recherche sociologiques, philosophiques ou epistémologiques sur le monde juif) pratiquées en Israël et aux Etats-Unis sont à des années lumière de ce qui peut se pratiquer en France.

J'en ai encore eu récemment la preuve en me baladant sur un site passionnant: http://seforim.blogspot.com/

Le niveau académique de ce simple blog est tout simplement époustouflant. C'est notamment là que j'ai découvert les articles de Marc Shapiro, notamment une revue des livres consacrés à Ovadia Yosef absolument remarquable. J'en ai fait part à mon ami Byniamin Sznajder (brillant universitaire et grand connaisseur du monde de la Thora), qui a contacté Marc Shapiro (apparemment adorable en plus d'être brillant) et qui lui a fait parvenir par un étrange concours de circonstances deux exemplaires d'un de ses ouvrages.

Byniamin "Le Tailleur" m'en a très gentiment remis un exemplaire et c'est ainsi que je plongeais dans "Saul Liberman and the Orthodox".


D'abord, qui est Saul Liberman ?

Saul Liberman est essentiellement (un peu) connu en France pour avoir été, après M.Chouchani, le deuxième Grand Maître de Elie Wiesel, lorsque celui-ci s'installa aux Etats-Unis. Pour qui connaît un peu de réputation M.Chouchani, via Lévinas ou Shlomo Malka, le simple fait de savoir qu'Elie Wiesel lui accordait une dimension équivalente devrait nous rendre attentif.

Et en effet, Saul Liberman était considéré par bien des Sages de son temps comme un Gadol, c'est-à-dire une sommité dans l'étude de la Thora. Mais tout le long de sa vie, et c'est l'objet du livre, Saul Liberman a eu fort à faire dans ses relations avec le monde orthodoxe. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en 1940, il accepta de devenir enseignant au Jewish Theological Seminary, le principal centre de formations de la mouvance Conservative aux Etats-Unis.

En effet, depuis la fin du XIXème siècle et jusqu'à cette époque, les conservatives (en France représentés par les Massorti) ont un problème crucial à régler. Toute leur idéologie tourne autour du respect de la halakha (à la différence donc du mouvement libéral), mais en s'autorisant parfois à remonter à des décisions talmudiques ou légèrement postérieures, sans tenir toujours compte des développements ultérieurs de la Halakha, notamment post-Choulkhan Aroukh.

Or, pour pouvoir être crédible sur ces sujets, il est indispensable de pouvoir compter sur des ressources internes au mouvement qui soient véritablement calées sur le Talmud et ses commentaires. Il faut donc des enseignants de qualité et qui maîtrisent la Guemara sur le bout des doigts. Où sont ces gens en 1940 ? Dans les Yéchivot orthodoxes évidemment. C'est là-bas qu'il faut aller les chercher en les convaincant d'enseigner dans une institution Conservative.

Tout le sujet du livre de Shapiro, c'est de nous conter cette aventure qui dura tout de même plus de 40 ans (Lieberman finit en effet par devenir Directeur du JTS), parsemée de relations très spéciales avec son monde d'origine: l'orthodoxie.


Un autre monde

Shapiro nous renseigne d'abord sur les relations de l'époque entre les orthodoxes et les conservatives. Contrairement à la situation actuelle, les contacts entre les deux bords sont, sinon fréquents, existants.
Les Conservative restent proche des orthodoxes sur beaucoup de sujets et sont encore bien distincts des mouvements libéraux (reformed aux Etats-Unis). Lorsque Lieberman arrive au JTS, c'est à l'issue d'un choix entre le JTS et la Yéchiva de son ancien condisciple le Rav Itzhak Hutner. Shapiro semble expliquer ce choix par des raisons purement pratiques: accès plus facile aux ressources académiques, confort, etc, etc... Il ramène également certaines sources tendant à dire que Lieberman avait un objectif "prosélyte" en allant au JTS, en d'autres termes, sensibiliser au Talmud, à la Thora et au respect des Grands d'Israël les étudiants de ce centre de formation.

Les réactions du monde orthodoxe sont contrastées, même si elles deviennent beaucoup plus sensibles à partir de 1949 lorsque Lieberman devient "Dean" (Doyen) de l'école rabbinique du JTS, puis recteur de l'institution en 1959, nous le verrons.

Une figure unanimement respectée

On l'a dit, Lieberman était considéré comme un Gadol. Il a notamment beaucoup travaillé sur le Talmud de Jérusalem, le parent pauvre du Talmud puisqu'il est plus ancien et confus que le Talmud de Babylone et qu'il n'a donc pas servi de façon systématique à l'établissement de la Halakha. Ses travaux sur la Tossefta sont également régulièrement cités par les plus grands auteurs (notamment son commentaire extensif Tosefta kiPeshuta), même si la façon de le citer en révèle beaucoup sur la perception de l'auteur sur Lieberman.

Certains, comme le Rav Weinberg (auteur du Seridei Ech), n'hésite pas à le citer largement et à lui accoler le titre de "Rabbi" Saul Lieberman, sans que sa situation personnelle ne rentre en ligne de compte.
Au niveau de la correspondance privée, c'est encore plus flagrant: Shapiro cite les titres qu'accollent à leur début de lettres d'éminentes figures telles que le Rav Weinberg, le Rav J.D Soloveitchik ou le Rav Ch.Y Zevin (auteur du classique Moadim beHalakha et directeur de l'Encyclopédie Talmudique): Géant incisif dans toutes les parties de la Thora, Grand Géant Sage et Scribe, Fabuleux Géant Guide de la génération, etc, etc... (en hébreu c'est un peu moins kitch que ma traduction).
D'autres vont être plus neutres: le "Rabbi" n'existe plus ou il est simplement mentionné "Hakham Ehad" (Un sage).

Quelques exemples intéressants:
Les Hassidim de Guer, qui entamèrent un cycle d'étude quotidienne du Talmud de Jerusalem afin d'en publier un commentaire inédit, ont bien évidemment sur leur table de travail les ouvrages de Lieberman (Ha-Yeroushalmi kePshouto et Tosefta kePshouto). Mais ils ne citent jamais ces commentaires nominativement, tout en rapportant le travail de Lieberman sous la formule "Il est possible de dire...".
La raison invoquée est limpide: "Nous voulons que notre commentaire soit utilisé". En d'autres termes, le nom de Lieberman peut suffire à décrédibiliser un commentaire tout entier.

Le magnifique livre du Rav Zevin Moadim beHalakha a été traduit en anglais par ArtScroll. Or, le Rav Zevin cite "R. Saul Lieberman" dans son ouvrage original en hébreu. La traduction en anglais omet bizarrement le titre R. (qui veut dire Rabbi).

Une des anecdotes les plus étonnantes que cite Marc Shapiro, et qui semble véridique, fut la réponse du Rabbi de Loubavitch (Menahem Mendel Schneerson) à propos d'une personne qui lui demanda si elle pouvait aller enseigner au JTS. Celui-ci lui répondit: "Tu peux rester, tant que reste Lieberman".

Ce comportement est lié à plusieurs choses:
- Saul Liberman est issu d'une famille prestigieuse et a été très tôt reconnu comme un futur Grand d'Israël. Il est marié à la petite-fille du Netziv de Volojhine et se trouve être le cousin germain du Hazone Ich, le fondateur de Bné-Brak et reconnu par tous comme le "Prince de la Génération" d'après-guerre en Israël.
- Même si Lieberman est lié au mouvement conservative, celui-ci semble ne jamais s'être considéré comme autre chose qu'orthodoxe. Même au JTS, il ne menait jamais d'office sans séparation entre hommes et femmes. Il a également âprement lutté vers la fin de sa vie contre l'ordination des femmes-rabbins comme de façon plus générale contre l'orientation très égalitariste du mouvement Conservative.

Il est bien évident qu'une personne moins brillante que Lieberman ou qui aurait intégré dans sa pratique personnelle des attitudes conservative aurait posé beaucoup moins de problèmes au monde orthodoxe.

Quelle référence Halakhique pour le traitement de Lieberman par les orthodoxes ?



Lieberman est un Grand, c'est acquis. Il semble toujours s'être considéré comme un orthodoxe. Mais que dit la Halakha sur un cas pareil ? Quelles relations peut-on ou doit-on avoir avec Lieberman et son travail ?


Il semble, à lire Shapiro, que les Sages modernes se soient appuyés sur deux grands principes opposés.


Le premier, c'est évidemment le traitement lié à tout celui qui se sépare de la communauté en empruntant un voie, qualifiée schématiquement "d'hérétique". C'est le cas de Lieberman puisqu'il fait partie intégrante du mouvement Conservative, que les orthodoxes considèrent comme très dangereux pour le judaïsme, presque plus que les libéraux. En effet, à l'inverse de ceux-ci, les conservatives considèrent que leurs prises de position halakhique s'appuient complètement sur la littérature talmudique.


Les orthodoxes craignent, et malheureusement la suite leur donnera raison, que les conservatives, en perdant le lien avec la tradition rabbinique, soient portés à prendre des décisions qui n'aient plus rien à voir avec la tradition juive. L'évolution de ce mouvement, que Shapiro rappelle en conclusion de ce livre (ordination des femmes, légitimation de l'homosexualité, etc...) et que Lieberman lui-même trouvait répréhensible justifiait de se tenir à l'écart de toute personne susceptible de défendre cette vision du judaïsme. D'où certaines prises de position visant à interdire toute relation avec Lieberman, ainsi que d'utiliser son travail.


Dans les faits, ce n'est pas tant à Lieberman qu'on s'en prend mais à ses fréquentations. En effet, au JTS enseignait également Mordekhaï Kaplan, fondateur du courant "reconstructionniste" qui, même pour Lieberman apparaît au mieux comme un illuminé, au pire comme un véritable hérétique. Shapiro montre cependant de manière convaincante que Saul Lieberman appliquait personnellement les mesures de Herem (sorte d'excommunication) émises par les rabbins orthodoxes à l'encontre de Kaplan. Malgré cela, le simple fait de savoir que Lieberman pouvait enseigner dans la même institution qu'une figure aussi décriée que Kaplan suffisait à le condamner.


Par ailleurs, l'implication croissante de Saul Liberman dans l'organisation interne du JTS (directeur de l'école rabbinique puis recteur du JTS) tendait à créer une preuve irréductible de la confusion facile entre Lieberman et le mouvement Conservative.


L'autre principe est issu du statut particulier d'Elisha ben Abouya. Son histoire est connue: maître éminent du Talmud, il perdit la foi pour des raisons complexes que nous n'analyserons pas ici. Cependant, son élève le plus brillant, Rabbi Méïr, ne voulut pas abandonner son maître et son enseignement. Il continua donc à étudier avec ce maître pourtant rejeté par tous ses collègues (au point d'être appelé dans la Guemar "Akher", "L'Autre"). Certains enseignements d'Elisha ben Abouya sont parfois rapportés par Rabbi Méïr mais sans citer le nom de son maître.


C'est la même démarche qui a prévalu pour Lieberman: son travail n'a pas été rejeté, mais sa référence reste cachée.


Comment Liberman a-t-il pu ?


Une question se pose: si Lieberman se considérait encore comme un Orthodoxe, comment a-t-il pu aller enseigner au JTS avec tous les problèmes halakhiques que cela posait ? Sa réponse était une pure réponse orthodoxe:


- S'il y avait un problème, les rabbins américains n'avaient qu'à me faire venir dans un tribunal rabbinique.


- Ma défense aurait été la suivante: j'ai posé une cheela (une question halakhique) à trois grands décisionnaires en Israël avant de partir. Deux d'entre eux m'ont autorisé à partir. Ce que j'ai donc fait.


Qui sont ces 3 décisionnaires ? Lieberman n'a pas voulu le révéler ailleurs que dans un Beth-Din, mais Marc Shapiro penche pour les 4 personnalités suivantes: R. Itzhak Herzog, alors Grand-Rabbin d'Israël (Palestine à l'époque), Rav Tzvi Pessah Frank alors Grand Rabbin de Jérusalem, Rav Isser Zalman Meltzer et son beau-père Rav Meir Bar-Ilan. Le problème de ce dernier étant qu'il ne peut pas être vraiment considéré comme un Grand d'Israël. De plus, il semble qu'il ait été opposé au départ de Lieberman au JTS.


Dans tous les cas, ceci confirme bien l'attachement de Saul Liberman à une attitude et à des modalités de fonctionnement proches du monde orthodoxe.



Quelle conclusion ?

Le livre de Shapiro est vraiment un condensé des relations houleuses entre orthodoxes et conservatives dans cette deuxième moitié de XXème siècle. Sa conclusion principale, un peu pessimiste, vise à montrer que les relations initiales entre Lieberman et les orthodoxes font désormais partie d'un monde perdu:



"Recent decades have seen Orthodoxy move to the right, just as Conservative judaism has moved to the left. Conservative judaism has embraced halakhic egalitarianism as an absolute, and seems on the verge of a major shift in the direction of legitimizing homosexuality. Considering the way the two movements look today, it is hard for many to imagine that there was a time when the divisions were not so stark, when one's denominational affiliation did not necessary place one in direct ideological conflict with members of other denomination. There was a time when great talmidei hakhamim of both denominations could be intellectual comrades, and outstanding minds from the Orthodox world could join their Conservatives colleagues in teaching Torah. It is a lost world of American Judaism."

J'ajouterais quand même une réflexion plus personnelle. Je ne connais pas bien l'oeuvre de Lieberman, mais il me semble qu'elle appartient principalement au champ académique. Des commentaires grammaticaux, des approfondissements de livres encore confus, des éclairages historiques lumineux sur certains passages...mais peu de commentaires avec une véritable implication personnelle et des innovations intellectuelles. Pas de révolution méthodologique comme ont pu en produire Maïmonide ou le Maharal. Mais même sans aller jusqu'à ces deux géants, on aurait aimé des développements aussi originaux que ceux de son ancien condisciple le Rav Hutner, des commentaires de la tradition qui auraient pu guider ses élèves dans le complexe déroulement de l'existence.


Peut-être qu'Elie Wiesel pourra nous renseigner, lui qui a semblé marqué par un enseignement qui avait l'air d'être tout sauf sec ?

9 commentaires:

BS a dit…

Cher Jeremie,

Merci pour ce nouveau post...

Je me permets de rebondir sur ta conclusion...
Il est vrai que les Sciences du Judaisme ont asseche le judaisme et son etude a force de remarques savantes vides de toute vie... et la revolution en france sur ce plan fut la bienvenue...

L'oeuvre de Lieberman est je pense, tout de meme, plus utile... Il (et les gens de cette "ecole") a donne a l'etude des textes juifs les outils rigoureux en vogue dans le monde academique...
S'il est vrai que definir de maniere exacte la nature de la flore dans la mishna ou l'origine hellenistique de telle expression "arameenne" du Talmud ne peut faire vivre l'etudiant, il n'en reste que ce sont des outils que l'on serait bien betes (et optus!) d'occulter...
Si la science moderne offre la richesse de bibliotheques, de manuscrits, de methodes pour retrouver la version exacte d'un texte, pourquoi l'ignorer? Si l'on peut retrouver grace a l'ethymologie le sens exact d'un terme pourquoi s'en passer?
Se contenter de considerations historiques ou philologiques pour expliquer une Gmara est certes "sec", mais c'est une dimension reelle d'un texte... Pourquoi le Talmud ferait il exception?

En bref, des oeuvres comme celles de Lieberman sont a mon avis, sans aucun doute, utiles: pour n'en citer qu'une, il a joui des methodes et outils modernes pour donner a la tossefta un semblant de coherence dans les versions....

Se contenter de ce genre d'oeuvres,non... Mais continuer a etudier en faisant totalement abstraction de ces decouvertes, pourquoi? De quoi a-t-on peur? ;-)


Le Tailleur

Anonyme a dit…

Je découvre votre Blog avec beaucoup d’intérêt.

Liebermann ne représente pas un cas unique. D’autres érudits venus du monde orthodoxe sont venus « fructifier » le mouvement Massorti. C’était le cas de Schechter découvreur de la Gueniza du Caire, de Louis Ginzberg, talmudiste renommé et grand spécialiste du Talmud de Jérusalem, descendant du Gaon ; d’Abraham Heschel héritier d’une cour hassidique ; de David Weiss Halivni hassid de Satmar et Hilouy (géni) dans le Talmud…
Il existe de nombreux autres exemples. Je crois que la raison pour laquelle ces différents personnages s’orientèrent vers le mouvement Massorti tout en ayant parfois avec lui des relations tendues sur certains points, c’est qu’ils y trouvaient ce qu’ils cherchaient : un endroit où vivre un judaïsme authentique tout en poussant la recherche intellectuelle au plus haut niveau et sans entraves. Aucun de ces personnages n’est revenu vers l’orthodoxie au sens propre, y compris Weiss Halivni qui créa un petit mouvement Massorti très conservateur en opposition aux femmes rabbins, d’ailleurs par la suite il reconnut à mi mot que ce changement était nécessaire.

L’exemple de Liebermann montre bien une chose : la « rupture » avec le monde orthodoxe arrive dès lors que l’on met un pied dans l’ouverture. Liebermann n’était pas repoussé pour ses idées, ni ses travaux extrêmement intéressants, mais par ce qu’il avait remis en cause la hiérarchie en se permettant de penser librement. La « rupture » ne vient pas de l’excès des idées novatrices d’un mouvement comme Massorti (position de la femme et autre) mais du refus de s’enfermer dans une position idéologique qui est celle de l’orthodoxie. C’est pourquoi, il me semble que tout intellectuel juif d’une certaine ampleur qui viendrait des rangs de l’orthodoxie sera forcément amené à ce point de rupture à moins de savoir se préserver avec la plus grande prudence (ce qui a priori n’est pas très « intellectuel »). L’exemple de Soloveitchik montre une tension sans rupture mais cependant à la limite, par contre plusieurs de ses élèves feront cette rupture (Hartman par exemple).

L’œuvre de Liebermann, est une œuvre remarquable bien que difficile d’accès.
Sa position sur les femmes rabbins est semble-t-il, plus générationnelle qu’autre chose.
Comme le dit une plaisanterie : « qu’est-ce qui différencie un massorti d’un orthodoxe ? 50 ans. »

Je me permets maintenant de critiquer une insertion de votre part :
« Les orthodoxes craignent, et malheureusement la suite leur donnera raison, que les conservatives, en perdant le lien avec la tradition rabbinique, soient portés à prendre des décisions qui n'aient plus rien à voir avec la tradition juive. »

C’est aller un peu vite en besogne et bien mal connaître le milieu Massorti que d’affirmer une perte de liens avec la tradition rabbinique. Cela est complètement faux et reste à prouver. Les décisions prises, même si elles sont contestables et d’ailleurs parfois contestées à l’intérieur même du mouvement (mais bien des décisions orthodoxes le sont également), ont à voir avec la tradition juive et notamment la tradition de l’éthique et de la morale sans lesquels le judaïsme perd tout son sens.

À l’inverse, on peut très bien considérer, que l’incapacité à regarder en face certains problèmes et à leur trouver des solutions (Agunot, place de la femme, homosexualité…) n’a rien à voir avec la tradition juive qui ne s’est jamais basée sur des positions injustement tranchées.

Les choses sont un peu plus complexes et il semble inévitable au monde juif, quelles que soient ses tendances idéologiques que certaines questions de société deviendront de plus en plus incontournables qu’on le veuille ou non.

Merci pour vôtre Blog que je mets en lien sur le site de Massorti.com

Yeshaya Dalsace


(Rabbin et webmaster de Massorti.Com)

Frison a dit…

M. le rabbin Dalsace,

Tout d'abord, bienvenue sur mon blog, c'est toujours avec un grand plaisir que je reçois des commentaires de la qualité de celui que vous nous avez offerts.

Sur le fond, je ne partage pas complètement votre analyse: "l'ouverture intellectuelle" serait le critère déterminant de césure entre le monde othodoxe et le monde massorti.

C'est, selon moi, faire fi de deux phénomènes.

Premier phénomène: Il existe d'une part de nombreux membres éminents du monde orthodoxe pour qui le monde intellectuel et universitaire était tout sauf inconnu et qui pourtant maintenaient une position idéologique et une pratique orthodoxe.
C'est bien sûr le cas du Rav Soloveïtchik, mais aussi de Yeshayaou Leibowitz (professeur de chimie et de neurobiologie), ou du Rav Hutner.
En France, Manitou était évidemment un tenant de cette tradition, tout comme Lévinas dont l'attachement au rite et à la parole des sages est connue.
Même dans le monde dit "ultra-orthodoxe", des personnalités comme le Rav Wolbe, qui étudia à Berlin dans sa jeunesse ou le Rav Guedalia Nadel, élève du Hazon Ich, n'ont jamais eu le moindre problème pour exploiter chacune des ressources des sciences profanes, sans se soucier du "qu'en-dira-t-on" parfois effectivement pesant dans certains de ces milieux.
Dans un autre registre, Benny Lévy n'a bien entendu jamais fait table rase de Platon, qu'il a toujours pris très au sérieux. Son maître hiérosolymite, le Rav Moché Shapira est marié à une professeur de psychologie à l'Université.
Plus proche de nous, le Pr Claude Riveline, éminent professeur à l'Ecole des Mines et élève de Manitou ne transige jamais dans ses écrits comme dans ses conférences sur une approche orthodoxe de la Thora. On peut évidemment dire la même chose du Grand Rabbin Bernheim.

Deuxième phénomène: toutes ces personnes, aussi différentes et eloignées qu'elles puissent être du Rabbi de Satmar au Rav Kook en passant par le Rabbi de Loubavitch et Leibowitz, partagent une "foi" commune, qui les différencient radicalement des Massorti.
C'est bien là que se produit la césure epistémologique selon moi: les orthodoxes sont attachés à respecter une tradition ininterrompue depuis le Sinaï et ne pourront pas se permettre de faire l'impasse sur les décisions prises par des décisionnaires antérieurs.
Ne pas faire l'impasse ne signifie pas dire Amen à toutes leurs décisions et être dans l'incapacité de s'y opposer. Vous savez bien que le Gaon de Vilna ou le Hafetz Haim ont parfois pris des décisions halakhiques allant à l'encontre du Choulhan Aroukh.
Mais ces décisions n'ont pas été prises en disqualifiant d'office les anciens maîtres pour des raisons sociologiques comme peuvent le faire les rabbins Massorti.

Plaquer une interprétation sociologique ou historique sur les eneignements du Talmud s'avère souvent très inhibant. Il n'est en effet plus possible pour ces textes de nous enseigner une leçon valide sur des problématiques encore actuelles: ils ont été disqualifiés d'office par, un exemple, "la société patriarcale en vigueur au moyen-orient à cette époque".

Comme nous le rappelait Lévinas, la critique biblique et de manière plus général les travaux universitaires, malgré leur intérêt évident, ne peuvent pas remplacer l'étude de la "vérité des textes éternels". Concept qui, pour les universitaires, n'a pas de raison d'être.

Sur la place de la femme par exemple, je ne suis pas certain que le défi principal de notre époque soit de garantir l'accès des femmes à la liturgie. Il est plutôt de rechercher dans nos textes les principes fondamentaux qui nous permettront de créer un lien fertile entre l'Homme et la Femme dans une société où la tendance est plutôt à l'uniformisation, voire à la confusion des genres, concept fondamentalement opposé à la tradition juive.

Cependant, si l'on sort des polémiques habituelle et qu'on essaie de se placer sur le terrain intellectuel justement, la césure entre orthodoxes et massorti est lucidement analysé par les travaux de chacun des camps sur l'ontologie de la Halakha. Je me rappelle notamment une discussion avec le rabbin Ryvon Krigier dans laquelle celui-ci reconnaissait que sa perception de la Halakha était en totale divergence avec celle que proposait le Rav Soloveïtchik dans son "Ich HaHalakha". Idem avec Leibowitz.
Cela n'enlevait rien au grand respect qu'inspirait ses penseurs à Ryvon Krigier, comme il me l'a confirmé, mais cela montre tout de même qu'au-delà d'une "fermeture idéologique et sociologique" de l'orthodoxie dont je ne remets pas en cause l'existence, il existe des différences de fond plus profondes.

Mais comme vous l'avez très bien dit, cela n'empêche pas le dialogue !

Merci encore pour votre intervention.

Anonyme a dit…

Cher M.

Je reviens des mois plus tard visiter votre Blog dont j’apprécie particulièrement la grande tenue et l’intelligence du propos.

Je me permets donc de reprendre notre conversation et surtout de vous répondre avec retard.


Mais j’aimerais la pousser plus loin si vous êtes d’accord et l’intégrer sous forme de débat sur le site Massorti.Com afin de mieux comprendre le point de césure entre les orthodoxes et les Massorti. Il est rare de trouver un interlocuteur de qualité chez qui l’on sent une véritable recherche intellectuelle, sincère et sans a priori. Je ne vous cache pas que cela me manque et qu’un tel dialogue serait très utile pour le grand public. A vous de juger.
En attendant, voici ma réponse à la vôtre ci-dessus.


Je crois que c’est une erreur de vouloir mettre dans le même système orthodoxie et Massorti. Il y a une très grande divergence, non pas tant sur la forme que le fond. Cette divergence tient à une conception différente d’un point de vue théologique. Elle se base essentiellement sur la connaissance. C'est-à-dire que l’accès aux connaissances modernes a poussé les rabbins Massorti à repenser certains problèmes tout en voulant maintenir la Halakha et les rituels traditionnels. Ce que refusent absolument de faire les orthodoxes. Il me semble que la véritable différence est là. Dois –je ou non incorporer mes connaissances contemporaines à mon système ancestral ? Dois-je au contraire me garder de cela pour préserver ce système ancestral qui pourrait être remis en cause, partiellement ou plus profondément ?

C’est absolument certain que bon nombre d’orthodoxes ont une instruction universitaire de qualité (chez les Haredim ils sont une toute petite minorité).


Cependant la plupart des exemples que vous citez ne sont pas de véritables orthodoxes. Levinas, Manitou, Leibovitch, mais des orthopraxes. Le Rav Kook et le rabbin de Loubavitch n’avaient pas à ma connaissance de formation universitaire, ce qui n’enlève rien à leur génie. Levinas n’était pas un homme de la Halakha et n’a que très peu écrit dessus. Manitou donna sa bénédiction à plusieurs de ses étudiants proches pour aller étudier dans le séminaire Massorti (dont Krygier), je crois qu’il était extrêmement conscient de la nécessité de s’adapter à la situation nouvelle. Leibovitch a clairement prôné une réévaluation complète du statut de la femme dans la Halakha.


Vous dites : « Les orthodoxes sont attachés à respecter une tradition ininterrompue depuis le Sinaï et ne pourront pas se permettre de faire l'impasse sur les décisions prises par des décisionnaires antérieurs. » Il me paraît évident que les Massorti également. Là-dessus il n’y a aucune différence. Les Massorti ont été créés par Zekharia Frankel afin de faire face au danger de rupture historique qu’il ressentait chez les réformistes de son époque. L’idée de continuité historique du Judaïsme depuis le Sinaï est un pilier de la pensée et de la théologie Massorti et a été largement développée dans les écrits des grands penseurs du Mouvement Massorti (Frankel, Schechter, Heschel…).


Je crois que la différence n’est pas ici. Les Massorti vont introduire dans leur réflexion halakhique une dimension historique et philosophique (méthahalakhique) dont ils tiendront compte. Ce n’est pas pour autant qu’ils font fi des décisionnaires passés, mais ils les remettent toujours dans leur contexte. Pour eux, la Halakha représente un système dynamique qui est soumis aux forces de l’Histoire. Il faut donc faire avec, accompagner le mouvement de l’Histoire et ne pas le nier. Il est clair que pour un Massorti, certains aspects de la Halakha sont indéfendables aujourd’hui, quand bien même ils l’étaient dans le passé, et doivent être neutralisés par tous les moyens : soumission de la femme, voire son oppression, statut du Mamzer, rapport aux non-juifs, aux homosexuels…

D’autres aspects de la Halakha doivent devenir plus réalistes, condamnation de l’inadéquation entre la réalité sociologique juive et la position des Batei din contemporains… (notamment sur la question des conversions).


Alors qu’au contraire, il me semble qu’un orthodoxe refuse de prendre en compte l’Histoire. Il la connaît peut-être, mais elle n’a aucune influence sur sa théologie. Je crois que c’est ici que réside la véritable différence.


Cette question du rapport à l’Histoire est extrêmement complexe et comporte de nombreuses implications. Elle mériterait un vrai débat de fond.


Dans le cas de Lieberman, la véritable question est ici. Il tenait compte de l’Histoire et c’est pourquoi il était Massorti. Son attitude personnelle par rapport à tel ou tel point précis (comme celui du statut de la femme) n’enlève rien au problème de fond. Il est évident qu’il voulait éviter une rupture avec les orthodoxes.
D’autre part, la non-reconnaissance par certains orthodoxes de son statut de rabbin, relève à mon avis du même problème, pour eux, un rabbin qui tient compte de l’Histoire, n’est plus un rabbin.
Cette question du rapport à l’Histoire me semble fondamentale. De mon point de vue, ne pas en tenir compte relève de l’ineptie intellectuelle, c’est pourquoi je ne suis pas orthodoxe. Il me semble que pour beaucoup d’orthodoxes, tout à fait au courant de la recherche historique, il y a une peur de faire entrer le loup dans la bergerie. Commencer à tenir compte de l’Histoire risquerait de mettre tout le système par terre. Les Massorti ont tout à fait conscience de la difficulté et cherchent à pacifier la question, mettre ensemble le loup avec l’agneau, c'est-à-dire rendre compatible l’idée de tradition et de fidélité à cette tradition, avec l’adaptation aux nouvelles conditions emmenées par la modernité. C’est une utopie quasi messianique ! La véritable question est de savoir si cela marche ou non.


La position Massorti a le mérite d’être honnête. Elle a le gros inconvénient de demander un effort subtil au commun des gens pour continuer à pratiquer et à croire. C’est pourquoi, pour la masse des membres du mouvement Massorti, ce genre de problèmes ne se pose pas, ils ne cherchent qu’un judaïsme de facilité.


La position orthodoxe est plus efficace pour le grand public. Elle est moins subtile et cherche à apporter plus de réponses qu’à poser des questions. Pour beaucoup de juifs sécularisés, le rabbin orthodoxe représente une image rassurante du passé. Aux yeux de gens comme moi, l’orthodoxie comporte un énorme inconvénient, elle est intellectuellement difficile à défendre. Je ne peux pas personnellement croire que Dieu soit misogyne ou raciste. Je ne peux pas croire à la véracité de la littéralité textuelle. Il m’est intellectuellement impossible de ne pas contextualiser, donc relativiser, mon propre système de croyances et de pratiques. Ne pas le faire serait un mensonge et rendrait donc inapte tout mon judaïsme. C’est pourquoi il m’est strictement impossible d’être orthodoxe. Cela n’a strictement rien à voir avec le degré de pratique quotidienne, je peux être extrêmement « froum » sur ma propre discipline. Il me semble que le problème était le même pour le Rabbin Shaül Lieberman. Je ne crois pas un instant, qu’un homme de sa qualité soit resté là où il était sans être entier avec ce qu’il faisait, tout en se posant parfois des questions.


Maintenant je crois que la réalité est beaucoup plus complexe. Il me semble qu’il existe des quantités de crypto Massorti. C'est-à-dire des orthodoxes officiels qui dans le fond ne croient plus à l’orthodoxie tout en gardant une profonde affection pour celle –ci parce qu’elle représente une image rassurante du passé. Cette situation n’est pas nouvelle, depuis longtemps déjà, on peut observer des Maskilim nistarim, dans le monde le plus traditionnel.
La vraie question reste de savoir si on tire des conclusions pratiques de cette Askala, ou non. Je crois que la cassure est là.


Quand à Soloveitchik, admirable penseur que j’enseigne chaque Kippour après midi dans ma communauté, il a ce défaut orthodoxe de ne pas vouloir regarder certains problèmes en face. Dans Ish Hahalakha, il défend l’idée que respecter scrupuleusement la Halakha orthodoxe, c’est atteindre le plus haut niveau de moralité. Mais c’est partiellement faux et certaines sougiot sont indéfendables sur le plan de la morale universelle. Il le savait très bien, mais refusait de les aborder afin de défendre sa thèse. Je préfère la position Massorti qui consiste à dire : c’est indéfendable et je ne cherche pas à le défendre car cela correspond à une certaine mentalité ou un certain discours qui fait partie de l’Histoire de mon peuple, mais que je n’accepte pas pour moi-même, parce que je peux justement assumer notre Histoire sans apologétique indispensable. Cela me semble plus clair et plus droit intellectuellement. C’est un peu ce que disait en son temps Maimonide sur les sacrifices.


Pas facile de savoir qui a vraiment raison dans son système. Il me semble clair qu’il nous faut assumer le présent pour avoir un avenir. A mes yeux toute crispation idéologique enlève la crédibilité de son auteur.

Tous ces problèmes ne sont pas simples et nous sommes bien petits pour les porter. Il ne demeure pas moins que la survie du Judaïsme et de la parole sinaïtique l’exige de nous. Dur bonheur d’être juif….


Bravo encore pour votre Blog

Yeshaya Dalsace

Webmaster de Massorti.com

Rivon Krygier a dit…

Je découvre avec grand intérêt ce blog, en félicite l'auteur que je connais mais qui semble vouloir rester anonyme, ce que je respecte. Ce blog a non seulement une haute tenue, il ouvre à un dialogue et un débat en marge des institutions, et ce fait à lui seul, mérite tous les éloges. Les conflits ne naissent-ils pas en grande partie de ce que l’on croit que « l’autre » dit et fait ?

Je réagis sommairement aux deux extraits suivants portant sur l'écart qui se serait creusé entre les orthodoxes et les conservative (massorti). :

Le Blogger :
Les orthodoxes craignent, et malheureusement la suite leur donnera raison, que les conservatives, en perdant le lien avec la tradition rabbinique, soient portés à prendre des décisions qui n'aient plus rien à voir avec la tradition juive. L'évolution de ce mouvement, que Shapiro rappelle en conclusion de ce livre (ordination des femmes, légitimation de l'homosexualité, etc.) et que Lieberman lui-même trouvait répréhensible justifiait de se tenir à l'écart de toute personne susceptible de défendre cette vision du judaïsme. D'où certaines prises de position visant à interdire toute relation avec Lieberman, ainsi que d'utiliser son travail.

Shapiro :
"Recent decades have seen Orthodoxy move to the right, just as Conservative judaism has moved to the left. Conservative judaism has embraced halakhic egalitarianism as an absolute, and seems on the verge of a major shift in the direction of legitimizing homosexuality. Considering the way the two movements look today, it is hard for many to imagine that there was a time when the divisions were not so stark, when one's denominational affiliation did not necessary place one in direct ideological conflict with members of other denomination. There was a time when great talmidei hakhamim of both denominations could be intellectual comrades, and outstanding minds from the Orthodox world could join their Conservatives colleagues in teaching Torah. It is a lost world of American Judaism."

Cette présentation des choses fait l’impasse sur un certain nombre de données incontournables. Notamment quand il est dit que des décisions ont été prises chez les conservative qui n’ont plus rien à voir avec la tradition juive, ou lorsqu’est justifiée implicitement la mise à l’écart de Lieberman, et par suite la tentative par l’orthodoxie pure et dure d’anathémiser le mouvement conservative.

Il y a eu de tout temps des réactions d’anathémisation dans les débats religieux, à l’intérieur du peuple juif et à l’extérieur : des centaines de milliers de gens assassinés, martyrisés convertis de force ou privés de liberté de conscience. L’Eglise catholique, comme on le sait, a beaucoup utilisé cette arme redoutable au cours de son histoire tant envers les juifs qu’envers ses « hérétiques et schismatiques » en son sein. Même s’il reste des traces de la posture inquisitoire, la situation a bien changé. Aujourd’hui l’Eglise catholique est bien plus avancée dans le dialogue avec les Orthodoxes (chrétiens), Anglicans et Protestants que ne l’est l’orthodoxie juive, et ce n’est pas peu dire.

Il ne faudrait pas oublier que dans le judaïsme, par le passé, des plus grandes figures, aujourd’hui encensées par l’orthodoxie, telles que Maïmonide, Moïse Haim Luzatto, le Baal chèm tov ont été anathémisés par des rabbins des institutions communautaires diverses, avec des conséquences parfois très graves ! On trouve dans le Talmud une forte réserve à ce type de procédé (même si on trouve aussi des propos contraires). Voici un exemple à méditer : Rabban Gamliel, chef du Sanhédrin (instance suprême politique et juridique) à l'époque de Yavné (Palestine, 100-135) témoigne de ce que toutes les mesures autoritaires qu'il a pu prendre, dont l’excommunication du grand sage rabbi Eliezer, n'avaient qu'un but : « chè-lo yarbou mahlokot be-Israël : que les dissensions ne se multiplient pas au sein du peuple d'Israël » (Baba Metsia 59b). Intention très noble mais néanmoins condamnée par Dieu. Il n’est pas disculpé devant Dieu des multiples abus d'autorité qui lui auront valu sa destitution et de terribles cataclysmes sur tout Israël. C'est que l'effort d'unification, aussi louable fut-il, se heurte à des résistances et des dérives qui mettent en péril la dynamique féconde de la controverse et étouffent la plurivocité de la Tora. Si Saül Liberman devait être écarté, à ce compte-là, il faudrait ajouter à la liste noire Abraham Yehoshua Heschel, Louis Ginzberg, Louis Jacobs et bien d’autres figures, toutes conservative/massorti, parfois moins connues mais non moins éminentes tant par leur érudition dans divers domaines, leur sagesse que leur piété. Sans parler des millions de juifs, oui des millions !, actuellement affiliés aux mouvement conservative ou reform. Accuser tout ce monde schismatique est injuste et provoque justement la scission. La « scission » entendue par l’inquisition juive, c’est-à-dire en fait, le divorce avec la conception et la pratique orthodoxes, est d’abord le fait de la sécularisation, de la laïcisation, de la contestation portée par le mouvement des lumières sur l’ensemble de la société. Or les mouvements religieux modernistes ne sont pas la cause de cette crise mais à des degrés divers, des tentatives de la résoudre ! Comment ? En conciliant les acquis du progrès (égalité des sexes, abolition des peines corporelles et de la coercition religieuse, prise en compte scientifique de l’évolution et histoire des idées et pratiques religieuses, etc.) avec la tradition religieuse, et non en la rejetant comme le firent d’autres. La crise traverse tant le public non pratiquant, libéral, massorti et orthodoxe. Et le public est fait de gens qui cherchent à un degré ou un autre de bonnes raisons de se rattacher à la religion, non des personnes qui la combattent.

L’anathème, la qualification infamante d’hérésie est une accusation non seulement humiliante mais très grave car elle peut aller jusqu’à appeler au meurtre, pour ceux qui connaissent les sources rabbiniques anciennes. Certaines sources anciennes et modernes ne sont d’ailleurs pas beaucoup plus tendres envers ceux qui ont rejeté sciemment la tradition, par athéisme et contestation du bien fondé de l’observance. Mais pour des raisons politiques, de récupération et d’inféodation de ce public-cible qui constitue aujourd’hui la masse critique du peuple juif, une sorte d’amnistie pseudo-amnésique règne. Ce n’est pas le lieu ici de développer ces aspects douloureux et très dangereux pour l’avenir du peuple juif, mais de mentionner juste ce qui suit.

Il existe actuellement une orthodoxie moderne dont il n’est hélas pas fait mention dans ce débat. Or celle-ci, tout en défendant âprement ses positions, n’a jamais mis au ban le mouvement massorti, ni d’ailleurs les réformistes. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas leur style ! Ils sont entrés dans la modernité et donc, tentent de convaincre plutôt que de vaincre, de persuader plutôt que d’imposer. Ces modern orthodox comptent et ont compté en leurs rangs de très grandes figures telles le rav Eliezer Berkovits qui a laissé de très brillants écrits.

Je ne le conteste pas, il existe aujourd'hui un certain nombre de divergences avec une certaine orthodoxie sur des questions brûlantes de modernité : statut des femmes au sein du culte (le droit de chanter en public, de compter à part entière, d’enseigner la dracha, le traitement des inégalités matrimoniales), des exclus (homosexuels, mamzérim, agounot, candidats aux conversions), l’accueil des enfants de mariages mixtes et des convertis, etc. Mais pour autant il existe aux Etats-Unis et en Israël d’importantes figures et institutions du judaïsme orthodoxe moderne (tels l’Institut Hartmann ou Pardès, à Jérusalem) qui non seulement nouent des relations de bonne intelligence et de partenariat avec le mouvement massorti mais expriment des conceptions très similaires sur toutes les questions évoquées ! Allez donc lire leurs publications ou visiter la communauté de Shira hadasha (« modern orthodox ») de Jérusalem. Allez examiner les responsa et positions telles celles des rabbins Shlomo Riskin, David Hartmann sur le statut des femmes ! Yeshaya Leibovits aussi, bien qu’il ne s’agisse pas d’un rabbin. Il existe bien plus de convergences que de divergences entre les massorti et ces modern orthodox, sur tous les sujets d’actualité religieuse !

Bien sûr, comme le dit très justement Shapiro, il y a eu une radicalisation, un clivage accru. Il est vrai que pour une certaine part, l’orthodoxie s’est durcie dans un sens, et le mouvement conservative/massorti dans le sens opposé. Mais ce clivage ne reflète qu’une partie de la réalité car il existe beaucoup de conservative proches des modern orthodox et vice versa. Du reste, ce qui doit primer n’est pas tant la convergence de vue, même si on ne peut que le souhaiter, c’est la capacité à nouer aujourd’hui un dialogue civilisé. Tel est le grand enjeu : sauver l’unité du peuple juif, avec sa féconde diversité.

Anonyme a dit…

Je ne vois pas le manque de civilité que de ne pas "dialoguer" avec des amei haaratsim.
Comme dit la michna, Hamelkha mérouba oubaal habayt dohek, ne perdons pas trop de temps pour discuter avec des gens qui pour un problème personnel ont crée un système, une psychotérapie eut été plus efficace.

Frison a dit…

Bonjour messieurs Dalsace et Krygier,

C'est un plaisir de vous recevoir sur ce blog, surtout pour des interventions de cette qualité. Je n'y réponds qu'aujourd'hui, le temps que je passe sur mon blog étant malheureusement limité.

Les interventions des rabbins Dalsace et Krygier étant différentes (l'une portant sur le fond, l'autre plutôt sur la forme et les perceptions) j'y répondrai de manière distincte.

D'abord à propos de l'orthodoxie:

- Le Rabbi de Loubavitch a bien une formation universitaire. Bien qu'elle ne corresponde pas à une légende couramment en vogue dans les milieux Habad voulant qu'il ait obtenu 7 doctorats à la Sorbonne (sic), le Rabbi de Loubavitch a semble-t-il étudié à l'ESTP, à la Sorbonne ainsi qu'à l'Université de Berlin. Ses domaines de prédilection étaient cependant centrés sur les sciences exactes (la physique et les mathématiques principalement avec une spécialisation en électricité).

- Leibowitz clamait en effet la nécessité de redéfinir la place de la femme dans le judaïsme, mais c'était pour lui une question méta-halakhique plus qu'halakhique. Lorsqu'on lui demandait s'il était tenté de prier dans une synagogue sans Mehitza, il ne comprenait pas bien comment on pouvait définir un tel lieu avec le qualificatif de synagogue: "quelle différence entre une synagogue où la halakha n'est pas respectée et pas de synagogue du tout ?" (dans Israël et Judaïsme). Sa problématique sur les femmes est plus sociologique qu'halakhique. Ce qui sous-tend la position de Leibowitz, c'est qu'en aucun cas des positions sociologiques et méta-halakhiques ne doivent aller à l'encontre d'une halakha acceptée par tout le peuple juif. Que ces considérations influent sur le processus de décision halakhique, oui. C'est d'ailleurs la position de nombreux poskim orthodoxes. Mais fondamentalement donner la priorité à la sociologie sur la halakha, voilà qui n'est pas acceptable pour un orthodoxe. Mais j'y reviendrai plus loin.

- Lévinas insiste à de nombreuses reprises dans Difficile Liberté ou dans ses Lectures Talmudiques sur l'importance de la halakha, du rite et du joug des mitzvots. C'est pour lui une spécificité majeure du judaïsme. S'il n'a pas écrit énormément sur des problématiques halakhiques, c'est tout simplement qu'il ne s'en sentait pas capable. Il le dit explicitement dans une de ses Lectures Talmudiques lorsqu'il "s'excuse" presque de ne traiter principalement que des passages aggadiques du Talmud. Sa réticence provenait du fait qu'il ne pensait pas disposer de la "musculature intellectuelle" pour y parvenir qui était en revanche celle de son maître M.Chouchani. Lorsqu'on lit une phrase pareille, on regrette longtemps de ne pas avoir connu ce mystérieux Chouchani.

- Venons-en au coeur du sujet. Dans votre commentaire, vous utilisez indifféremment plusieurs termes qui selon vous constituent la césure entre Massorti et Orthodoxes. J'ai notamment relevé les termes d'Histoire, de connaissance, de morale universelle, etc...

Il s'agit de points à mon sens distincts.
Tout d'abord, je récuse le fait que tous les orthodoxes refusent de prendre en compte la dimension méta-halakhique dans leurs psakim. C'est tout à fait clair par exemple lorsqu'on lit l'ouvrage de Marc Shapiro (dont j'espère faire bientôt une recension sur ce blog) sur la vie du Rav Weinberg. Celui-ci, ancien directeur du séminaire rabbinique de Berlin est un "pur orthodoxe", il a pourtant régulièrement pris en compte la dimension sociologique dans laquelle il vivait pour énoncer la halakha. C'est très net dans ses célèbres positions sur sa justification de la Bat-Mitzva, sur son célèbre psak permettant au mouvement de jeunesse Yéchouroun de faire chanter ensemble les garçons et les filles ou encore à propos de la modification des règles de Shehita dans l'Allemagne nazie.
De la même façon, le fait que le Hazon Ich considère les juifs sionistes laïques comme des "Tinok cheNichba" et non comme des renégats au sens halakhique du terme est une innovation majeure qui repose sur des considérations sociologiques.
De la même façon et à l'autre extrême, certaines décisions rigoristes prises par certains décisionnaires le sont à l'aune des risques plus importants pour la vie juive que recèle la modernité. Cela ne me plaît pas forcément, mais il est indéniable que des considérations sociologiques et méta-halakhiques entrent en ligne de compte dans le processus de décision halakhique orthodoxe.

- Là où le point me paraît plus bloquant c'est sur votre phrase suivante:
"Aux yeux de gens comme moi, l’orthodoxie comporte un énorme inconvénient, elle est intellectuellement difficile à défendre. Je ne peux pas personnellement croire que Dieu soit misogyne ou raciste. Je ne peux pas croire à la véracité de la littéralité textuelle. Il m’est intellectuellement impossible de ne pas contextualiser, donc relativiser, mon propre système de croyances et de pratiques. Ne pas le faire serait un mensonge et rendrait donc inapte tout mon judaïsme."

Vous semblez notamment penser que les orthodoxes refusent de voir en face certaines assertions du Talmud qui j'imagine vous paraissent inadéquates avec la morale universelle.

Prenons un exemple pour être concret. Est-il permis d'être Mehalel Chabat pour sauver un non-juif ? Nous savons tous les deux qu'en pratique c'est bien évidemment le cas. Qu'en revanche en théorie, ce qui m'oblige à sauver un juif et un non-juif le chabbat ne répond pas aux mêmes catégories intellectuelles et halakhiques.

Devant cet état de fait, il y a 3 façons d'appréhender le problème.
La première est celle que vous préconisez: considérer qu'il est inacceptable du point de vue de la morale universelle que le Talmud ne mette pas sur le même plan théorique un juif et un non-juif, qu'il s'agit donc d'un passage raciste que je me dois d'écarter pour préserver une adéquation entre mon judaïsme et ma perception de l'humanité. Il faut donc dire que ce passage est le reflet d'un contexte historique et qu'il n'a bien évidemment plus de sens aujourd'hui.

- La deuxième façon est, comme vous le dites, de fermer les yeux et de ne pas aborder ce sujet.

- La 3ème voie, et c'est celle que m'ont transmis mes maîtres, c'est de considérer à la fois que ce passage est porteur d'une vérité mais qu'il est également problématique car il heurte notre sens commun. C'est à mon sens la démarche la plus riche. Car la Thora, si elle est une Thora de vie, ne saurait être une Thora de vie bourgeoise. Elle a également un pouvoir subversif, qui doit nous bousculer à chaque époque. Lire les passages sur la femme en disant "la femme est inférieure, point" n'est évidemment pas acceptable. Mais lire ces passages en argumentant qu'"il s'agit de textes datés et archaïques" ne l'est pas plus. Qu'est ce qui justifierait en effet que la cacherout ne soit pas archaïque ? Qu'il ne s'agit que d'habitudes de conservation hygiéniques des temps anciens qui n'ont évidemment plus de sens à partir du moment où le congélateur a été inventé ?
Vous pensez que cette position est intellectuellement plus honnête ? Je ne le crois pas. Je pense que si l'on opte pour votre démarche et qu'on veut être véritablement cohérent, il faut abandonner totalement le judaïsme. Pourquoi en effet vouloir encore se référer à un enseignement dont la quasi-totalité fait référence à des discussions talmudiques complètement imprégnées de sociologie du 4ème siècle ?

Dans un autre contexte, il me semble que cette démarche est également voué à l'échec lorsqu'on étudie Platon. Les plus grands commentaires de Platon et les plus riches ne sont pas ceux qui ont disqualifié sa position sur les femmes parce qu'il a vécu 5 siècles avant J-C. Ce sont ceux qui ont tenté d'y trouver un sens philosophique et qui ont pris Platon au sérieux plutôt que de le prendre pour un beauf machiste avant l'âge. Quitte ensuite à marquer un désaccord.

De la même façon, je pense pas que considérer les Sages du Talmud comme des misogynes ou des racistes soit une manière de les prendre au sérieux. Certaines souguiot m'interpellent, me choquent, m'éclatent à la figure. Mais les disqualifier pour raisons sociologiques est trop facile. J'ai le devoir de chercher ce que ces passages ont à me dire, moi pétri de culture occidentale du XXIème siècle qui, comme tout homme, a beaucoup de mal à savoir pourquoi les hommes du XXVème siècle nous considéreront comme des imbéciles finis.
Tout le travail de Michel Foucault part de là: comment se fait-il que nous soyons ébahis par les comportements a priori stupides des Anciens, à l'aune des valeurs qui sont aujourd'hui les nôtres ? Un des moyens de s'extraire de cette contrainte est selon moi de continuer à essayer de percer ce que nous dit une vérité révélée quel que soit le lieu et l'époque. C'est ce que l'on appelle l'étude de la Thora.

C'est ce qui fait que je suis orthodoxe. Un dernier point qui me permettra de faire la transition avec la réponse au rabbin Krygier.
Ce qui me déplaît avec le mouvement massorti (mais évidemment bien plus encore avec le mouvement libéral) c'est la cassure qu'il a produit avec le reste du peuple juif. Je reconnais bien volontiers avec Rivon Krygier que les anathèmes ont régulièrement fusé à travers les âges et que ce n'est pas forcément nouveau. En effet, le Baal Chem Tov, le Rambam et bien d'autres ont subi le courroux de leurs opposants. Mais il me semble qu'il existe une différence radicale avec la problématique massorti/reformed vs orthodoxes: la "mahloket" ne porte pas seulement sur des sujets de conception théologique comme pour le Hassidisme ou pour le rationalisme du Rambam. Elle porte sur l'orthopraxie et la pratique des Mitzvots.
Comme le relève Leibowitz, si l'opposition Hassidim/Mitnagdim n'a pas dégénéré en scission pure et simple du judaïsme c'est que le Hassidisme, malgré certaines tensions, n'ont jamais cédé sur le respect des lois du Choulhan Aroukh.
Le livre de Marc Shapiro sur le Rav Weinberg le montre bien: il y avait des différences de conception radicales entre les modern-orthodox d'Allemagne et les Juifs d'Europe de l'Est qu'on qualifierait aujourd'hui d'ultra-orthodoxes. Pourtant, ils avaient toujours l'impression de faire partie de la même famille, notamment du fait de leur perception identique de la fixation de la Halakha.

C'est à mon sens en cela que la cassure est profonde, d'autant qu'elle concerne un sujet ultra-sensible qu'est le statut personnel: comment assurer que le peuple juif ne se scindera pas si la définition du Juif n'est pas la même dans tous les mouvements ? Un Juif converti à Bagdad par le Rav Ovadia Yosef sera considéré comme Juif pour le Rav Soloveitchik à New-York. Comment garantir l'unité du peuple juif si plus personne n'est d'accord au niveau rabbinique sur ce qu'est un Juif ?
J'ai entendu récemment que des communautés libérales aux Etats-Unis, dans un désir d'égalité homme-femme ne considérait pas comme juif un homme né d'un père non-juif et d'une mère juive. Alors que cette personne est halakhiquement juive selon les orthodoxes (et j'imagine les massorti), elle ne serait pas considérée comme telle par ces communautés.

Comme le démontre très bien un autre ouvrage du Professeur Shapiro, les anathèmes lancés pour des problèmes de conception théologiques ne sont jamais vraiment porteurs de menaces et n'ont en tous cas jamais réussi à obliger tous les juifs à respecter une liste de croyances imposées (même les 13 principes de foi de Maïmonide n'y sont pas parvenus).

En revanche, les dissensions portant sur la praxis, la pratiques ont des conséquences beaucoup plus fondamentales pour le judaïsme. On ne s'en aperçoit plus aujourd'hui, mais ce qui a provoqué la scission des chrétiens avec les juifs n'est pas tant la croyance en Jésus que l'abolition des Mitzvots par Paul de Tarse en 49.
De manière plus troublante, les Karaïtes se sont séparés du reste du peuple juif pour des problématiques relatives à leur refus de considérer le Talmud comme une loi divine et pour une perception de la halakha très différente de celle du judaïsme rabbinique. Loin d'être un petit groupuscule sectaire, on estime qu'au Xème et XIème siècle, le Karaïsme avait pénétré de nombreux foyers juifs (près de 40% de la population juive mondiale de l'époque selon les historiens). C'est la lutte acharnée de rabbins "pharisiens" comme Saadia Gaon qui a notamment permis le reflux du Karaïsme.

Tout ça pour dire que toucher à la Halakha est beaucoup plus sensible pour les Juifs que de dire qu'on ne croit pas à la résurrection des morts ou à la réincarnation. Et que l'histoire a parfois donné raison à des opposants farouches comme Saadia Gaon ou le Gaon de Vilna. L'histoire a également prouvé que cela se finissait en général par un éloignement progressif des communautés dissidentes et c'est vraiment tout ce que je ne souhaite pas pour le peuple juif actuel qui, reconnaissons-le, n'a vraiment pas besoin de ça après le cataclysme qu'a constitué la Shoah.

En tant qu'orthodoxe, il y a cependant un problème que je n'occulte pas: comment éviter que l'ultra-orthodoxie de Bné-Brak ne devienne la norme pour tout le peuple juif y compris en France ou dans des sociétés occidentales avec des enjeux très différents que ceux que l'on rencontre à la Yéchiva de Poniowicz ? L'élection du Grand-Rabbin Bernheim est une réponse. La diffusion en France des travaux de la modern-orthodoxy en est une autre. L'implication dans des structures mettant en avant une étude de la Thora authentique, alliée à une questionnement sans tabou et ouvrant des perspectives intellectuelles fortes en est une troisième.

Vaste programme !

modernorthodox a dit…

ou peut-on se procurer le livre?

Frison a dit…

Tout simplement sur Amazon !

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