Ayant passé Pessah dans un Château qui disposait d'une abondante bibliothèque, je suis tombé par hasard sur un formidable "beau livre": Les 100 photos du siècle par Marie-Monique Robin.
Les photos les plus célèbres et les plus percutantes du siècle, reproduites, commentées et analysées. Et le plus souvent en rappelant comment la photo a été prise et dans quel contexte.
Au milieu du XXème siècle, la photographie était une discipline reine. La télévision n'avait pas encore fait sa percée domestique mais le journalisme avait besoin d'illustrer ses propos. Seule la photographie avait la capacité de le faire, surtout lors de cet événement historique inégalé que constitue la Seconde Guerre Mondiale.
Et qu'apprend-on au détour des pages de ce bouquin ? Que les Juifs ont pris une part essentielle au développement de la photographie.
D'abord, à travers la création de l'agence Magnum, cette agence faite par des photographes et pour des photographes, afin notamment de pouvoir conserver les droits d'auteur.
On connaît bien en France l'un des fondateurs puisqu'il s'agit d'Henri Cartier-Bresson. Mais on sait moins que le non-moins connu Robert Capa est en réalité un juif hongrois né à Budapest sous le nom de Endre Friedmann. Photographe de légende pour ses photos de la guerre d'Espagne ou du débarquement à Omaha Beach, Capa a aussi été un des fondateurs de l'agence Magnum.
Mais pour tous, le vrai "cerveau" de l'agence, c'était un autre des fondateurs: David Seymour.
Evidemment, ce n'est pas son vrai nom: né en 1911, David Szymin, dit Shim, est un Juif polonais dont les parents ont été assassinés par les Nazis. Alors que Capa était la vitrine extérieure de l'agence, Shim en était l'organisateur principal, l'homme de l'ombre qui a réussi l'extraordinaire développement de Magnum. Il est malheureusement mort en 1956, tué par les Egyptiens lors de la guerre de Suez.
Les photos victorieuses
Beaucoup d'autres photographes juifs ont marqué cette époque, mais l'anecdote la plus cocasse, c'est que deux des plus importantes photos de la Seconde guerre mondiale ont été prises par des Juifs.
Ces deux photos, ce sont celles qui consacrent la victoire des Alliés sur les ennemis de l'Axe.
La première, c'est celle qui représente la victoire américaine sur le Japon suite à la bataille d'Iwo Jima dont Clint Eastwood a récemment tiré un film.
Contrairement à ce qui a pu être dit, cette photo n'a pas été "organisée". Joe Rosenthal, l'auteur de la photo, a eu plus de chances que d'autres et a su se trouver au bon moment au bon endroit. Celui où enfin, après une bataille féroce qui laissa des traces indélébiles chez les soldats qui y ont participé, le drapeau américain allait flotter pour la première fois sur le territoire japonais.
L'autre photo, c'est bien évidemment celle qui représente le drapeau soviétique sur les ruines du Reichstag dans un Berlin vaincu.
Cette photo, en revanche, avait été préparée de longue date. Trois drapeaux avaient été confectionnés pour l'occasion avec des nappes et les soldats de la photo avaient été embarqués par Evgueni Kaldhei, l'auteur de la photo (un Juif ukrainien) pour obtenir un cliché parlant de la victoire. Après plusieurs tentatives, c'est cette photo qui arriva finalement sur les bureaux de l'agence TASS pour une diffusion mondiale....après retouche !
Car en effet, un des soldats présent à l'écran avait une montre à chaque poignet, ce qui laissait présager que le pillage était de rigueur dans l'armée rouge et que pour la propagande bolchévique, c'était pas terrible. Donc exit les montres avec le Photoshop de l'époque et voici la principale photo montrant la défaite de l'Allemagne nazie prise par un Juif, tout un symbole...
Rosenthal et Khaldhéi se sont rencontrés et ont devisé aimablement de cette étrange coïncidence. J'ai trouvé ça assez rigolo pour vous le faire partager. Comme quoi, même dans les "beaux livres" on peut apprendre des choses !
1 commentaire:
Dans mon livre d'art "Judéopostale", j'ai raconté à travers leurs timbres l'histoire de ces deux monstres sacrés du photojournalisme, Khaldei et Rosenthal, et leur rencontre au Festival de Perpignan en 1995 (comme l'écrivait finement "Le Monde", "les deux vieux juifs sont tombés dans les bars l'un de l'autre".)
Il y a d'autres photographes dans mon livre, à commencer par Man Ray, mais je garde un souvenir particulier de Wolfgang Sievers, un charmant vieux monsieur australien avec qui je me suis longuement entretenu au téléphone. Demi-juif formé au Bauhaus et ayant fui l'Allemagne en 1938, ses 50.000 clichés sur la société australienne sont considérées comme un patrimoine national. Il a passé la fin de sa vie à pourchasser les nazis installés en Australie, m'a offert très gentiment les droits de reproduction de son timbre, et a même utilisé la page de mon livre pour agrémenter une de ses expositions.
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