mardi 12 février 2008

Communauté juive: Turbulences à prévoir sur le 1er semestre 2008

Attachez vos ceintures, le premier semestre 2008 va être agité pour la communauté juive de France. Au programme:

- Le dîner du CRIF le 13 février avec comme invité d'honneur, rien moins que le Président de la République
- La première visite d'Etat de l'ère Sarkozy d'un Chef d'Etat étranger: Shimon Peres en mars
- Visite couplée avec l'organisation du Salon du Livre qui met cette année à l'honneur la littérature israélienne
- L'élection du Grand-Rabbin de France et du Président du Consistoire Central le 22 juin
- L'élection du Grand-Rabbin de Paris (je ne sais pas trop quand...;-)

Pourquoi s'attendre à des turbulences ? Mes pronostics:

Le Dîner du CRIF

Historiquement, le dîner du CRIF (créé par l'ancienne directrice générale du CRIF Jacqueline Keller sous la présidence de Théo Klein), était un moyen efficace mais discret de dialoguer de façon constructive et régulière avec les représentants des autorités de l'Etat.
Il a depuis, et notamment sous la présidence de Roger Cukierman, pris une toute autre ampleur, dont on se demande si elle est véritablement positive.

Interrogeons-nous notamment sur les aspects suivants:

- Est-il vraiment nécessaire d'inviter plus de 800 personnes, dont la plupart sont des notables de la communauté juive pouvant payer 500€ par tête pour prendre un jus d'orange en compagnie des ministres de la République ou d'Enrico Macias ? Le dialogue serait-il plus fécond grâce à la présence d'Alexandre Arcady et d'on ne sait quel PDG ? Où la vague people a aussi touché de plein fouet une institution aussi respectable que le CRIF...

- Quel est l'impact de la médiatisation croissante de ce dîner ? Depuis l'année dernière, il est désormais télévisé sur Public Sénat (merci Elkabbach...), ce qui implique que tous ceux qui reçoivent la TNT en France (plus de 15 millions de foyers) pourront désormais voir ce qu'on espère être une exception: la prise à partie en direct et plutôt vexante du premier ministre français, comme cela a été le cas il y a quelques années. Le CRIF a-t-il correctement mesuré les conséquences d'une telle décision ?

- Quelle instance du CRIF a eu la brillante idée d'inviter le Président de la République à ce dîner 2008 ? Pour dire les choses clairement, il s'agit d'une erreur politique assez grossière. D'abord, cela rompt avec la tradition consistant à honorer le Premier Ministre. Celle-ci se justifiait: c'est avec le gouvernement, donc avec son dirigeant, qu'on traite des questions politiques, qu'on se permet d'afficher parfois des désaccords ou d'encourager telle ou telle action. Pas avec le Président qui se doit de garder une certaine distance avec ces problématiques et à qui on ne s'autorisera certainement pas d'émettre le moindre reproche. De façon plus conjoncturelle, le CRIF a misé sur le mauvais cheval: ils ont invité un Président affaibli et peut-être vexé un Premier Ministre en plein épanouissement populaire.

Bref, j'attends de voir avec impatience le compte-rendu des médias sur ce dîner et suis même très étonné que la couverture médiatique soit encore si faible....

La visite d'Etat et le Salon du Livre:

Là, c'est nettement plus réjouissant. Je me délecte déjà de deux événements:
- Naviguer dans les travées du Salon du Livre en discutant avec Aharon Appelfeld, A.B Yeoshoua, Etgar Keret, Amos Oz ou Orly Castel-Bloom. Ca c'est pour le côté intello.
- Pour le côté plus instinctif, le simple plaisir déjà éprouvé en 2004 de remonter les Champs-Elysées ornés pour l'occasion des drapeaux français et israéliens ;-)

Bien entendu, cette apparition spectaculaire d'Israël dans l'agenda politique et culturel français n'ira pas sans susciter de nombreux commentaires et articles dans la presse qui seront évidemment plus ou moins aimables... Nous verrons bien !

Quant aux prochaines élections "rabbiniques" et consistoriales, elles méritent un billet à part que je ne manquerai pas de publier dans les plus brefs délais. Car ce sont celles-là qui auront peut-être le plus d'impacts sur la Communauté juive, bien plus que le dîner du CRIF ou la visite de Shimon Peres !

jeudi 7 février 2008

Le "Monde juif d'or" de la meilleure série juive est...

On assiste depuis quelques années à une explosion des séries américaines, qui sont d'excellente qualité, tant du point de vue du scénario, que du jeu des acteurs ou de la méthode de réalisation.

Petit jeu anodin qui n'a pas grande importance mais qui me plaît bien: quelle est la série qui s'approche le plus de l'esprit du judaïsme ?

Voyons voir les possibles vainqueurs...:

- 24 ? avec Jack Bauer dans le rôle du Messie qui nous sauverait de la guerre finale entre Gog et Magog ?
Disons que le côté "tout est permis" et "la fin justifie les moyens" paraît légèrement décalé par rapport à un message qui recommande de porter une attention toute particulière à l'être humain. Et puis, ce n'est pas l'humour et la dérision qui l'emportent dans cette série, alors qu'il s'agit d'un critère pourtant déterminant pour l'attribution du "Monde juif d'or".

- Heroes ? Où il serait tentant de faire le parallèle entre la situation de minorité des "mutants" qui doivent gérer une particularité leur donnant une responsabilité particulière et le peuple juif, historiquement minoritaire, mais souvent appelé le "Peuple élu" depuis que Dieu leur a confié la Thora ? Le don de se régénérer de la Cheerleader serait-il semblable à la capacité maintes fois démontrée du peuple juif de se relever des catastrophes les plus atroces ?
Je suis pas encore convaincu. Car dans ce cas, qui est Sylar ? Un Juif renégat ? Et puis encore une fois, ils se prennent quand même très au sérieux ces "Heroes", ce qui n'est heureusement pas tout le temps le cas des Juifs.

- Desperate Housewives ? Là c'est sûr, c'est déjà plus marrant. Mais le rapport avec le judaïsme, je le vois pas. Depuis quand le judaïsme aspire-t-il à une vie bourgeoise sans remise en question existentielle ni aspiration à la transcendance ?

- Sex and the city ? pour son approche décomplexée de la sexualité ? Certes, le judaïsme n'est pas puritain. Il est néanmoins pudique (ce qui est très différent) et met l'accent sur la relation unique capable d'associer un homme et une femme. Ce qui n'est pas vraiment la trame principales de la série.


Bon, ne cherchez pas, il n'y a qu'une série au monde qui puisse prétendre et de loin au trophée si convoité de "Monde juif d'or de la meilleure série juive".

C'est une série où l'ironie, l'humour, la volonté de comprendre, le refus des faux-semblants prennent une place centrale. Cette série, c'est..... Dr House.

Pour rappel, le Dr House c'est ce brillant médecin diagnosticien qui ne se met à travailler que lorsqu'il a un cas vraiment intéressant à traiter, qui se fout de l'état psychologique de son patient mais qui veut absolument comprendre les tenants et les aboutissants de la maladie, très ironique envers son équipe et en fait avec la plupart des gens qui l'entourent.




Quelques citations pour prouver le bien-fondé de mon diagnostic:

D'abord sur la religion, qu'en pense Dr House ?

"Vous pouvez croire autant que vous voulez aux esprits, à la vie après la mort, au paradis et à l'enfer, mais quand il s'agit du monde ici-bas, ne faites pas l'idiot. Parce que vous pouvez me dire que vous vous en remettez à Dieu pour chaque moment de votre vie. Mais quand vous devez traverser une rue, je sais que vous regardez toujours des deux côtés".


N'est-ce pas une métaphore parfaite pour le Juif qui, s'il sait que Dieu existe, doit aussi savoir qu'il est interdit de s'en remettre aux miracles dans sa vie quotidienne et qu'il doit se prendre en main pour sanctifier ce monde en respectant ses règles ?

Dans le même ordre d'idée, celle-là est sympa aussi: "Vous parlez à Dieu, vous êtes religieux. Dieu vous parle, vous êtes psychotique"

Ensuite, c'est quand même quelqu'un qui ne se laisse pas berner par la guimauve ambiante et qui sait souvent aller à l'encontre de l'ambiance de l'époque, ce qui est peut-être la raison d'être ultime du pouvoir subversif du Talmud.

Commençons light: "Vous connaissez la phrase "On ne peut pas vivre sans amour" ? Et bien l'oxygène c'est encore plus important"

Et puis, Dr House, c'est tout de même le modèle de l'étudiant en Yéchiva. Celui qui cherche à comprendre au-delà de la simple évidence. Qui continue à argumenter, à creuser le sens, à rechercher une exigence de vérité qui refuse la douce satisfaction de l'évidence trompeuse. Quelques exemples:


"Foreman: Son taux de saturation d'oxygène est normal
House: Non, il est 1% en dessous de la normale
Foreman: C'est dans la fourchette. C'est normal
House: Si son ADN était 1% en dessous de la normale, elle serait un dauphin"


"Cameron: les chances qu'il ait été infecté sont proche de zéro
House: J'ai jamais été bon en maths, mais proche de zéro c'est plus grand que zéro"


Comment ne pas penser à faire le rapprochement entre House et Rabbi Eliezer. Rabbi Eliezer qui, parce qu'il était certain d'être dans le vrai, est allé à l'encontre de ses collègues, mobilisant des forces surnaturelles, faisant se courber les murs ou remonter le cours d'une rivière pour prouver qu'il était sûr de ses convictions. Même une voix divine lui a donné raison, ça n'a pas convaincu ses collègues majoritaires. Depuis cet épisode, Rabbi Eliezer a du vivre l'écart de l'académie talmudique, loin de ses collègues et de l'honneur qui s'y attache, par attachement à ce qu'il pensait être une position créatrice de sens pour l'homme.

Quand je repense à cette histoire, c'est House que je vois, un brillant diagnosticien, reconnu par ses pairs, mais qui ne vit que par la passion de toucher le vrai sans se soucier des apparats sociaux.




Lorsqu'il est sérieux, House est parfois capable de nous donner des leçons de vie. Dans une des épisodes que je préfère, Foreman hésite entre rester avec House et partir s'associer avec un brillant collègue de la côte Ouest, très à l'aise avec les paillettes et toute la reconnaissance sociale qui va avec un statut de star de la médecine.


House et Foreman ont alors une discussion serrée:


Dr. Gregory House: J'ai vérifié, c'est un très bon docteur et vous pensez qu'il est meilleur que moi

Dr. Eric Foreman: Vous avez un problème d'ego ?

Dr. Gregory House: Répondre à cette question ne changera pas la manière dont je me perçois, peut affecter l'opinion que j'ai de vous, mais ne doit pas affecter l'opinion que vous vous faites de vous-même. Je suis perplexe. Si vous pensez qu'il est meilleur que moi, vous devriez prendre le boulot qu'il vous offre. Sinon, laissez-le vous offrir encore deux ou trois déjeuners où vous évoquerez le bon temps et puis déclinez poliment.

Dr. Eric Foreman: C'est aussi simple que ça ? Je devrais faire abstraction des moqueries et de la maltraitance ?

Dr. Gregory House: Je vous maltraite ?
Dr. Eric Foreman: Si vous me maltraitez ? Si je fais une erreur....
Dr. Gregory House: Je vous en tiens pour responsable, et alors ?
Dr. Eric Foreman: Le Dr. Hamilton pardonne lui, il est capable d'aller de l'avant.
Dr. Gregory House: Ce n'est pas ce qu'il fait
Dr. Eric Foreman: J'ai foiré le traitement de son patient. Il m'a dit…
Dr. Gregory House: Il n'a jamais dit que vous étiez pardonné. J'étais là. Il a dit que ce n'était pas votre faute
Dr. Eric Foreman: Et alors ?
Dr. Gregory House: Et alors c'était votre faute ! Vous avez pris un risque, vous avez fait quelque chose de bien. Vous aviez tort, mais c'était bien. Vous devriez vous sentir bien d'avoir fait quelque chose de bien. Vous devriez vous sentir comme de la merde d'avoir eu tort, mais c'est ça la différence entre lui et moi. Il croit qu'il faut faire son job et qui vivra verra. Je crois que ce que je fais et ce que vous faites a de l'importance. Il dort mieux la nuit, il ne devrait pas."

Je n'ai pas encore vu de définition plus claire de ce qu'est la responsabilité et de l'importance des actions de l'homme dans ce monde.

Vainqueur: Dr House, sans hésitation !

PS: vous remarquerez que n'a pas été pris en compte le fait que Dr House, s'il n'est pas juif est entouré de Juifs dans la série puisque les Dr Wilson et Cuddy sont juifs et que le producteur exécutif de Dr House n'est autre que Bryan Singer (Usual Suspects, X-Men,...), juif également..

samedi 2 février 2008

Halakha - un petit exemple de méthode

La Halakha est un concept central dans toute vie juive qui se respecte. Mais c'est aussi une notion complexe donc controversée.

Parfois cible du monde non-juif qui la considère comme une sorte de ritualisme (opposée à une vie spirituelle plus "intérieure"), elle est parfois également interrogée par le monde juif qui en plus des reproches classiques, lui fait grief d'avoir déformé la fulgurance intiale du don de la Thora en déclinant certains préceptes forts en de petites règles mesquines qui n'auraient plus rien à voir avec "le message universel reçu au Sinaï et dont le peuple juif est le garant".

De manière plus concrète, certains milieux "juifs laïques", avec peut-être un peu de mauvaise foi, s'acharnent sur certains "incohérences":

- comment un Loi peut-elle différer entre "Séfarades" et "Ashkénazes" ? Ne sommes-nous donc pas un seul peuple devant obéir à un enseignement identique ?

- La Thora est divine, je veux bien, mais je me refuse à obéir à tous les preceptes ultérieurs décrétés par des rabbins, qui sont des hommes comme vous et moi.

Je dis "de mauvaise foi", parce qu'en réalité,il suffit d'ouvrir quelques bouquins de vulgarisation pas trop mal foutus (ex: Explorations Talmudiques de Georges Hansel aux éditions Odile Jacob qui lui est très bien foutu) pour comprendre la cohérence de l'ensemble du corpus halakhique et la dimension absolument essentielle de l'intervention humaine dans la fixation de la Loi, ce qu'on appelle toujours aujourd'hui la Thora orale (par opposition à la Thora écrite qui rassemble les écrits bibliques tels que les chrétiens les connaissent également, à quelques nuances près).


Mais il est plus compliqué de se plonger dans le Talmud et les décisionnaires ultérieurs pour comprendre précisément le cheminement intellectuel et juridique de la fixation de la halakha dans le temps.
Ce billet ne se veut pas une réponse théorique charpentée aux questions posées ci-dessus. Il s'agit seulement d'un petit exemple de méthode de fixation de la halakha à propos du commandement biblique bien connu: "Tu ne cuiras pas le chevreau dans le lait de sa mère". 
Ce verset, est à la base de toute la pratique juive sur le mélange interdit entre la viande et le lait.

L'idée du développement ci-dessous est de savoir comment les sages ont répondu à la question toute pratique: 
"peut-on manger des pâtes cuites dans une marmite où de la viande a cuit au préalable, et les mélanger avec du fromage ?"

Quel est le problème ? Il se peut que les pâtes cuites dans une marmite où de la viande a cuit prennent un statut "viande" et ne peuvent donc pas être mélangées avec du fromage puisqu'il est interdit de manger de la viande et des laitages dans le même repas.

Allons-y:

L'origine

D’abord, il y a la source écrite susmentionné dans la bible : « tu ne cuiras pas le chevreau dans le lait de sa mère ».

Très bien. Sauf que ça ne précise aucune modalité pratique et les applications de cette loi.

Est-ce à prendre au sens littéral ? Non, c’est rarement le cas. Et c’est la tradition orale qui vient nous préciser les détails.

La Tradition orale, c’est d’abord la Michna, puis la Guemara, qui forment le Talmud.

Sur le sujet pratique qui nous occupe, la source dans le Talmud est à trouver dans le traité Houlin (qui est un des noms des nombreux traités du Talmud).

Le cas du Talmud est le suivant : supposons qu’un poisson ait été cuit, puis posé sur un plat qui sert habituellement à accueillir de la viande. Peut-on manger ce poisson avec du lait (ou du beurre, c’est meilleur) dans une assiette lait ?

Le concept de Noten Taam

Pour y répondre, il faut d’abord se demander pourquoi ça poserait un quelconque problème. Parce qu’au préalable, il faut avoir connaissance d’une notion conceptuelle talmudique appelée « Noten Taam », « Qui donne le goût ».

Une viande cuite dans une marmite va « communiquer le goût » de la viande à la marmite, qui sera potentiellement capable de la retransmettre à un futur aliment lors d’une prochaine cuisson. C’est la raison pour laquelle on a 2 vaisselles : il est impossible de cuire du lait dans une marmite viande vu que la marmite va « communiquer » le goût de la viande au lait, ce qui est interdit.
Une remarque: cette notion n'est pas un concept d'ordre physique même si des éléments de cet ordre peuvent intervenir (il y a une différence par exemple entre un récipient en céramique et un ustensile en verre). Il s'agit avant tout d'une notion juridique.

Tout le monde suit ?

Bon, maintenant abordons une autre notion qui s’appelle « Noten Taam lifgam ».

Concrètement la question est : cette propriété de pouvoir communiquer ce goût est-il éternel ? Réponse : non. Au bout de 24 heures, si la marmite n’a pas été utilisée, la marmite perd son pouvoir de communiquer le goût de viande.

Ah, mais alors : si la marmite n’a plus ce pouvoir après 24 heures, cela veut dire qu’on peut même cuire du lait dans cette marmite ?!!

Réponse : c’est là que nous allons aborder les notions de « Lehatkhila » et « Bediavad », qu’on traduit respectivement par « a priori » et « a posteriori ».

A priori, il est interdit de cuire volontairement du lait dans une marmite viande qu’on a laissé reposer 24 heures.

Mais qu’en est-il d’a posteriori ? Exemple : je me trompe en cuisant mon lait, j’ai pris une marmite viande propre qui n’a pas été utilisée pendant plus de 24 heures.

Ai-je le droit de boire quand même le lait ? Réponse : oui a posteriori, le lait peut être consommé, mais la marmite doit être cacherisée.

Nat bar nat

Bon, revenons au sujet initial. Il ne s’agit pas d’un cas classique de « Noten Taam ». Le poisson est "neutre", il n'est ni lait, ni viande. La question est: est-ce qu'un aliment neutre comme le poisson (ou les pâtes) peut prendre un goût de viande et interdire de ce fait sa consommation avec des laitages ?

Le poisson susceptible de prendre le goût de la viande peut-il être consommé avec du lait ? C’est en fait une sorte de « Noten Taam » secondaire.

C’est exactement ce que dit le Talmud : c’est « Noten Taam bar Noten Taam », "Il donne le goût, puis il redonne le goût" en abregé Nat Bar Nat !

Voilà donc l’explication de ce terme barbare. Alors est-ce permis ou pas ?

Apparemment oui, puisque la Guemara l’autorise. Sauf que ce n’est pas si simple. La Guemara parle du cas où on « pose » le poisson sur un plat viande.

Les commentateurs ultérieurs vont donc discuter de savoir si l’autorisation est toujours valable si le poisson a été « cuit » dans une marmite viande.

Et là il y a désaccord (une « Mahloket » en hébreu), notamment entre le principal décisionnaire du monde Séfarade : le Choulkhan Aroukh, et un des principaux décisionnaires ashkénazes : le Rema (Rabbi Moché Isserles).

Il y a donc divergence entre les Poskim ("décisionnaires") sur ce sujet. Le Choulkhan Aroukh pense que c’est permis (Moutar) dans tous les cas. Le Rema pense que c’est interdit lekhatkhila (a priori), mais autorise de manger le mets bediavad (a posteriori).

Conclusion: si vos parents sont nés en Afrique du Nord, il y a de grandes chances pour que vous puissiez cuire vos pâtes dans une marmite viande, puis les transférer dans une assiette lait et ajouter du fromage. Si vos grands-parents sont nés en Pologne, ça va être plus compliqué...